Faut-il travailler plus ou travailler moins pour relancer l’économie ? Tel pourrait bien être le match de la rentrée. Passage en revue des adversaires en présence.

Management, télétravail, masques, distanciation, open space, etc. : en cette rentrée, tout ou presque a changé. Si bien que du gouvernement à La REF organisée par le Medef, en passant par les Universités d’été de l’économie de demain animées par le collectif #noussommesdemain, tous s’interrogent sur la capacité du monde du travail à s’adapter pour affronter le défi de la relance.

Comment, en effet, retravailler avec le virus ? Très souvent, les discussions se cristallisent sur la question du lieu de travail et de l’espace qu’il faut reconfigurer pour respecter les règles sanitaires. Mais, alors que la bataille entre les "apôtres du tout télétravail" et les défenseurs d’un système mêlant présentiel et distanciel semble tourner à l’avantage des seconds, un autre match se profile à l’horizon.

Le travail c’est la santé économique

Et c’est le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux qui en a sifflé le début en appelant, mercredi 26 août, "à rouvrir le débat" sur la question du temps de travail. "Pas maintenant", "pas non plus en 2022" mais lorsque reprendront les négociations sur la réforme des retraites – et non sur les "35 heures" comme l’a laissé échapper le patron des patrons dans un lapsus sans doute révélateur.

Pour le Medef mais aussi pour l’Institut Montaigne ou la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), le dogme du "travailler plus" apparaît comme une évidence pour relancer la machine économique. Aussi simple qu’une équation sans inconnue, "la richesse d’un pays" se mesurant à l’aune de "la quantité de travail par individu multiplié par le nombre de gens qui travaillent". Dans son rapport "Rebondir face au covid 19", l’Institut Montaigne propose ainsi d’ "assouplir quelques verrous juridiques persistants" en permettant notamment aux entreprises de "déroger au temps de repos minimum quotidien de 11 heures minimum par jour dans le cadre d’un accord sur le droit à la déconnexion". Partir moins en congés ou en RTT, débloquer les heures supplémentaires, effectuer les heures de formation hors du temps de travail : telles sont les autres pistes envisagées et partagées, pour certaines d’entre elles, par l’Ifrap.

"La richesse d’un pays se mesure à la quantité de travail par individu multiplié par le nombre de gens qui travaillent".

Du côté du gouvernement, le travailler plus pour relancer plus ne semble pas être à l’ordre du jour. L’exécutif, comme annoncé par le Premier ministre dans son intervention à La Ref, préfère se concentrer sur une baisse de la fiscalité aux entreprises pour les rendre plus compétitives. Néanmoins, quelques heures avant de s’adresser aux chefs d’entreprise, Jean Castex rappelait au micro de France Inter que "la philosophie" du gouvernement consistait à "réhabiliter le travail". Le plan de relance économique, a-t-il indiqué, vise en "priorité numéro un" à "créer le plus possible d’emplois et de travail" car "c’est par le travail aussi qu’on retrouvera des marges de manœuvre".

Partager le travail

Mais, c’est aussi précisément parce que les emplois se font rares et que le travail peut paraître comme une espèce en voie d’extinction que certains appellent à le partager. Ainsi, un collectif d’une vingtaine d’organisations syndicales, dont la CGT ou la FSU, et d’associations, dont Oxfam ou Greenpeace France, militent pour un passage aux 32 heures, "sans perte de salaire ni flexibilisation".

"Encourager les chefs d’entreprise à réfléchir" à passer à une "semaine de quatre jours".

A l’étranger, l’idée d’une raréfaction de travail, prédite dès le début des années 2000 par l’économiste Jeremy Rifkin, est prise résolument au sérieux. Ainsi, Jacinda Ardern envisageait, le 20 mai dernier, d’accorder des jours fériés supplémentaires aux salariés néo-zélandais. Plus encore, elle souhaitait "encourager les chefs d’entreprise à réfléchir" à passer à une "semaine de quatre jours", susceptible selon la Première ministre de l’archipel de relancer l’industrie du tourisme.

Au programme du parti travailliste britannique lors des dernières élections législatives, la proposition a de manière plus surprenante été reprise par les parlementaires de Singapour en juin dernier. L’affaire aurait pu en rester là. Mais, la semaine de quatre jours rencontre un écho au-delà de ses partisans traditionnels depuis que le président du puissant syndicat de la métallurgie allemand, Jörg Hofmann, a plaidé mi-août en sa faveur pour "sauvegarder l’emploi". Jugée "appropriée" par le ministre social-démocrate du Travail, Hubertus Heil, le passage à la semaine de quatre jours, avec "une certaine compensation salariale", n’apparaît plus dès lors comme une idée, sinon farfelue, du moins utopique.

Travailler plus d’un côté. Travailler moins de l’autre. La partie ne fait que commencer. Elle annonce peut-être le retour d’un clivage stimulant pour le monde d’après.

Marianne Fougère

 

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