Brandi comme un étendard pour affronter une crise d’ampleur, le dialogue social se joue avant tout sur le terrain, au sein des entreprises. Focus sur Safran et Veolia qui ont su, ces dernières semaines, passer de la théorie à la pratique.

La période que nous traversons met tout particulièrement à l’épreuve le dialogue social au sein des entreprises. En effet, nombreuses sont celles qui vont ou entrent déjà dans une zone de turbulences, ne leur laissant que peu de visibilité sur les perspectives à venir. "Il faudra donc, dans un premier temps", conseillent Hortense Gebel et Hélène Saïd, toutes deux associées chez Lusis Avocats, "orienter le dialogue social sur le partage des constats".  Mais, les avocates reconnaissent que le vrai test aura lieu à la rentrée lorsque "la préservation de l’emploi constitue[ra] pour les partenaires sociaux un véritable enjeu de négociation".

Des accords comme rempart aux licenciements

Certaines entreprises n’ont pas attendu la fin de l’été pour tenter de renouer et de réinventer le dialogue dans un contexte socio-économique tendu. La crise sanitaire a, en effet, contraint Safran à placer 45 % de ses effectifs français en activité partielle et à supprimer des emplois dans les pays dépourvus de tel dispositif. Pour "préserver environ 10 000 emplois", un accord a donc été signé début juillet par la direction du groupe et l’ensemble des organisations syndicales. Outre des mesures de modération salariale, de mobilité et de départ anticipé à la retraite, il met en place un dispositif d’activité partielle longue durée qui permet de réduire de 40 % le temps de travail tout en versant aux salariés concernés 84 % de leur salaire net. En contrepartie, le groupe s’engage à ne procéder à aucun PSE jusqu’à fin 2021 et à respecter un principe de modération salariale pour les cadres dirigeants et les mandataires sociaux. 

chez Safran, l’accord de transformation a été coécrit par l’ensemble des organisations syndicales

Cet accord de transformation d’activité présente la particularité d’avoir été non seulement négocié par visioconférence mais surtout coécrit par l’ensemble des organisations syndicales. Il inclut également "une clause de retour à meilleure fortune" qui place le dialogue social au cœur de la relance : en fonction de l’évolution de la situation industrielle, certaines dispositions pourront, en effet, être partiellement ou totalement levées. Pour Stéphane Dubois, le DRH groupe, "c’est un accord qui doit vivre".

Miser sur l’intelligence collective

Avec lui, le géant de l’aéronautique n’en est pas à son premier coup d’essai. Au plus fort de la pandémie, direction et représentants du personnel s’étaient déjà entendus sur la nécessité de créer un fonds de solidarité pour améliorer les conditions d’indemnisation de l’activité partielle. L’exemple de Safran montre que la sortie de crise "repose sur l’intelligence collective des partenaires sociaux", le cadre juridique des ordonnances prises durant la crise leur "offrant la possibilité de construire leur propre dialogue".

le cadre juridique des ordonnances offre aux entreprises "la possibilité de construire leur propre dialogue"

S’il est une branche qui a fait preuve de créativité en la matière, il s’agit bien de la métallurgie qui a signé le premier accord sur les dérogations au droit de travail autorisées par l’ordonnance du 25 mars 2020. Mais, elle a été suivie, le même jour, par une autre branche : celle du recyclage qui ne compte pas moins de 28 000 emplois pour 1000 entreprises, parmi lesquelles Veolia. Grâce à la conclusion de cet accord, la multinationale française et les employeurs du secteur ont pu, dans la limite de six jours et jusqu’au 31 août 2020, imposer ou modifier les dates de congés payés. Ils ont dû, cependant, respecter un délai de prévenance de deux jours francs minimum. 

Le dialogue comme levier de sortie de crise

Chez le leader mondial du traitement de l’eau et des déchets, les salariés ont également "applaudi", selon les mots de son PDG Antoine Frérot, le plan d’accompagnement au déconfinement qui prévoyait de faire "bénéficier tous les collaborateurs d’un test sérologique et d'un test PCR de dépistage du virus". Bien que contraires au principe édicté par le protocole de déconfinement, ces tests facultatifs constituaient une réponse aux attentes des collaborateurs "à commencer par les 20 000 personnes qui ont poursuivi le travail pendant le confinement et qui auront du mal à accepter de continuer autrement". Signe que "dans un tel contexte le dialogue social revêt toute son importance".

Marianne Fougère

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