Jean-François Ode (Aviva) : « Le télétravail génère de la monotonie que nous combattons »
Décideurs. Comment s'est passé le déploiement du télétravail pendant la crise sanitaire ?
Jean-François Ode. Le télétravail, présent chez Aviva depuis 2009, a été renforcé lors de notre installation dans nos nouveaux locaux. À cette occasion, nous avons instauré deux jours de télétravail par semaine pour environ 40% de nos effectifs. Lorsque le confinement a été annoncé, nous n’avons eu besoin que de quinze jours pour finaliser le déploiement de la softphonie et appliquer le télétravail pour 98% de nos collaborateurs, et nous avons constaté n’avoir subi aucune perte d’activité. Parmi l’ensemble de nos 4 300 collaborateurs, seuls certains services non digitalisés sont présents dans les locaux. Deux à trois membres du comité exécutif sont également présents à tour de rôle pour accompagner les équipes.
Quels outils avez-vous mis en place pour assurer un respect de l'équilibre vie privée et vie professionnelle?
Nous avons proposé une diminution du temps de travail de 30 à 50% sans réduction de salaire pour les collaborateurs ayant la charge d’enfants ou de personnes en besoin d’assistance. Nous avons également accepté que les collaborateurs ayant posé des congés puissent les reporter. Par ailleurs, il est important de garder à l’esprit que le télétravail génère de la monotonie. Il faut la combattre en instaurant des rites comme un jour par semaine sans visioconférence ou des flash-infos sur l’évolution de la situation.
Les managers se voient confier un rôle déterminant dans le contexte. Comment les accompagner?
Le travail à distance nécessite de repenser la communication. C’est d’autant plus le cas pour les managers qui sont le lien entre les équipes. Il a été nécessaire de mettre à leur disposition un intranet sur lequel ils trouvent tous les e-learning et fiches pratiques nécessaire à leur formation. Nous avons lancé des ateliers pour les former à repérer les signes précurseurs du stress et identifier les ressources à mettre à disposition. Nous organisons aussi des réunions virtuelles animées par deux coachs pour favoriser la transmission des bonnes pratiques. L’objectif est de faire changer les mentalités, de les habituer à lâcher prise et à manager à distance.
En période de confinement, quelles sont difficultés rencontrées par les DRH et comment y faire face ?
Habituellement, l’équipe RH diffuse les pratiques directement aux équipes alors qu’en période de confinement, les informations peuvent facilement être déformées. Le principe que nous avons posé est que seul l’écrit compte. C’est pour cela que nous avons mis en place une Foire Aux Questions (FAQ) sur les mises à jour de la situation, nos réponses sont systématiquement réfléchies et expliquées pour qu’elles puissent définir la ligne de conduite de l’entreprise.
Nous avons lancé des ateliers pour former les managers à repérer les signes précurseurs du stress et identifier les ressources à mettre à disposition
Qu’allez-vous conserver de ces réflexions et aménagements après le confinement ?
La situation de semi-confinement dans laquelle nous entrons accroît les risques psychosociaux. Le télétravail est maintenu et pour ceux qui sont présents 200 000 masques sont à dispositions, un seul bureau sur quatre est occupé, un cheminement est marqué au sol et le service de nettoyage est renforcé. Les horaires de travail sont élargis et divisés entre présentiel et distanciel pour faciliter l’accès au transport en commun. Cette crise nous fait réaliser que le télétravail est plus généralisable que ce que nous imaginions notamment pour le service de vente direct qui fonctionne à plein régime. Le regroupement de collaborateurs de différents sites sur une même mission s’est également avéré très efficace et pourrait trouver un écho auprès des salariés qui souhaiteraient quitter les grandes villes. Ce qui est sûr, c’est que l’ancien taux de 40% de télétravailleurs est amené à évoluer.
Propos recueillis par Raphaël Viot