E. Lelièvre (Prezioso) : « Nous avons fait le pari de professionnaliser nos IRP »
Décideurs. Vous êtes arrivée chez Prezioso il y a trois ans. Depuis, vous avez eu à gérer des chantiers RH importants…
Élisabeth Lelièvre. Effectivement. Peu de temps après mon arrivée, nous avons mis en place un plan de mobilité portant sur 250 postes. Ce fut un projet important pour les ressources humaines, qui nous a conduits à nous structurer et faire évoluer le dialogue social au sein de l’entreprise. En 2016, un changement majeur est intervenu : alors qu’elle était soutenue par un fonds d’investissement, la société Prezioso Linjebygg a été rachetée par Altrad, un expert de nos métiers. Nous devons désormais nous inscrire dans un projet de groupe et cela change la donne. Aujourd’hui, nous nous construisons une nouvelle identité et nous mettons en place une nouvelle organisation, plus régionalisée notamment. Cela implique un changement culturel important.
Comment l’acquisition par le groupe Altrad a-t-elle été accueillie par les collaborateurs ?
Bien entendu, certaines inquiétudes sont nées sur la façon dont ce nouvel actionnaire pouvait modifier le projet de l’entreprise, ou encore ses valeurs. Les managers en particulier se sentaient concernés. Ils ont peut-être eu l’impression de perdre en autonomie du fait de leur intégration dans un groupe et craignaient l’interférence de la holding. Ces sentiments sont légitimes et doivent pouvoir être effacés par des découvertes positives, comme les opportunités de mobilité interne par exemple ou le fait de trouver une direction avec une culture lean qui souhaite se projeter sur le long terme.
Comment faciliter la gestion de ce changement ?
Un programme complet d’accompagnement a été construit avec l’appui d’un conseil externe. La première étape a consisté en la réalisation d’évaluations à 360 degrés, ce qui était très nouveau chez Prezioso. Puis nous avons mis en place des groupes de travail transverses restreints ayant pour but de définir et porter les projets de transformation de l’entreprise. Par ailleurs, les représentants du personnel relaient efficacement les préoccupations de nos collaborateurs, nous échangeons beaucoup avec eux.
À ce sujet, vous disiez être parvenue à faire évoluer le dialogue social. Dans quel sens ?
Nous avons fait en sorte que nos IRP représentent réellement la communauté de travail. Auparavant, ce n’était pas totalement le cas, les salariés ne se sentaient pas suffisamment écoutés et défendus par leurs représentants. Nous avons donc cherché à professionnaliser ces derniers.
C’est-à-dire ?
Nous avons insisté pour que notre délégation syndicale centrale soit accompagnée par un cabinet d’avocats et un cabinet d’experts en négociations sociales, tous deux spécialisés dans le conseil aux IRP. Nous avons par ailleurs veillé à son rapprochement avec la représentation syndicale régionale. C’était un peu un pari, mais aujourd’hui nous nous en félicitons. En parallèle, nous avons enrichi les informations délivrées par la direction et structuré nos réunions mensuelles afin d’approfondir les sujets abordés. Ces efforts ont fortement contribué à muscler notre dialogue social. Aujourd’hui, nos IRP nous permettent de sentir le pouls de l’entreprise qui, progressivement, entre dans une culture de prévention et d’anticipation des difficultés sociales.
Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot