Par Alex Mucchielli, directeur. Enov Formation 
Les entreprises découvrent que leurs collaborateurs sont attirés et séduits par les serious games de formation. Ces formations ludiques leur permettent de réaliser la quasi-totalité des apprentissages voulus. En effet, le serious game a une ingénierie pédagogique performante : il promeut un apprentissage «?par la bande?», en s'appuyant sur l'impact des émotions suscitées par les épreuves du jeu.

On peut apprendre en jouant. Ceci n'est pas une nouveauté, mais on l'avait bien oublié. Les séminaires présentiels, d'ailleurs, ne se privent pas de faire des «?jeux de rôles?». Un des meilleurs exemples de jeux de rôles pédagogiques nous est fourni par Célestin Freinet. Cet instituteur, dans les années 50, fait apprendre l’orthographe, la rédaction et la coopération à ses élèves en leur faisant réaliser «?le journal de leur classe?». Chaque petit groupe d'élèves devait trouver un sujet de reportage lié au programme des cours, réaliser le reportage, le transcrire, en vérifier l'orthographe, le titrer et trouver sa place dans le journal. Les articles étaient signés de leurs auteurs et étaient distribués aux familles qui étaient constituées en lecteurs et juges extérieurs. Dans ce jeu de rôles, les activités ludiques font apprendre l’orthographe, la rédaction et la coopération. Il nous faut remarquer, que, tout à leur jeu et à la compétition, les élèves n'ont pas pleinement conscience d'avoir à apprendre l’orthographe, la rédaction et la coopération. Ils sont centrés sur leur sujet et oublient les contraintes, et, par ailleurs, ils sont émus et polarisés par l'idée de se faire lire et juger par leurs parents.
De nos jours, le serious game reprend ces idées : utiliser le jeu et la compétition pour motiver et faire apprendre autrement. C'est ainsi que le monde ludique du serious game nous entraîne dans une fiction divertissante, éloignée des pesanteurs du réel habituel. La mise en scène vise à faire oublier la correspondance avec la vie professionnelle. Nous sommes dans un monde immersif dans lequel nous jouons le rôle du héros. Si une épreuve se met en travers de notre progression, nous sommes, tout d'un coup, sous tension. Il y a des enjeux de valorisation, de compétition, d'amour-propre…, qui apparaissent. Nous perdons un peu de nos moyens. Puis nous commençons à nous maîtriser et à rentrer dans l'exercice imposé en faisant appel à nos ressources. Notre état émotionnel va être dépassé et nous allons mobiliser tout ce dont nous disposons pour surmonter l'épreuve. Nous sommes en phase aiguë d'apprentissage. La forme mineure du stress vécu, appelé par les spécialistes : le bon stress (celui qui démultiplie les potentialités de réaction), facilite alors l'engrammage des apprentissages. C'est, sous l'impact des émotions et de la concentration exigée par l'épreuve, que nous oublions les contraintes et la finalité pédagogique du jeu. C'est alors que nous allons apprendre sans trop nous en apercevoir. Les vraies performances pédagogiques des serious games d'aventure reposent sur cet apprentissage inconscient.

Les NTIC permettent de nouvelles formes de jeux pédagogiques
Un des modèles d'un tel e-learning est le jeu d'aventure situé dans un monde imaginaire, dans lequel le héros - auquel est identifié l'apprenant- a un parcours à accomplir et des quêtes à réaliser. Les scénarisations entraînent les apprenants dans un monde parallèle imaginaire. L'univers du jeu est une transposition onirique de situations réelles. L'immersion dans ce monde doit susciter l'intérêt et fait partie de son attrait ludique. Le héros du jeu doit permettre aux apprenants de s'identifier à lui. Sa représentation graphique et ses caractéristiques psychologiques doivent être travaillées en ce sens. Le monde dépaysant, dans lequel agit l'apprenant, possède des parties totalement analogiques avec certains éléments du monde réel. Les mises en scène placent l'apprenant dans des situations qui ont toutes les caractéristiques des situations-problèmes professionnelles qu'il doit apprendre à maîtriser. C'est seulement la présentation qui transporte l'apprenant dans un monde décalé. La réussite ou l'échec de l'apprentissage, peuvent être signalés directement dans le cours du jeu à travers les réactions des personnages ou des événements. Un débriefing final s'impose. Il reprend les coups joués et fournit une analyse qui participe à la formation recherchée.
Traverser les épreuves présentées par le serious game est déjà une aventure ludique. Cette "ludification" est amplifiée par l'introduction de procédés d'auto-évaluation amusants : la gamification. La gamification du serious game (introduction de gain ou perte de points, concours, challenges…), est donc organisée pour renforcer l'implication du joueur dans le jeu. Cette gamification, d'une part, concourt à la création de sens (se perfectionner, être le meilleur, monter en niveau de compétence…) et, d'autre part, participe à la création d’émotion (vouloir réaliser telle performance, avoir peur de rater, être pris dans le jeu…). Cette gamification renforce donc l'utilisation du procédé pédagogique qu'est l'introduction du jeu en formation.

Une innovation d'avenir pour la formation professionnelle
Tous les experts de la formation constatent que la formation professionnelle destinée aux managers s'épuise. Les apprenants sont lassés des séminaires présentiels qui reposent essentiellement sur la bonne relation avec l'animateur et qui n'apportent pas beaucoup de savoirs faire utiles en situation professionnelle. Ils sont aussi lassés des e-learnings traditionnels qu'ils jugent trop peu attractifs à travers une pédagogie trop «?descendante?» (75?% d'entre eux abandonnent avant la fin de leur formation). Par ailleurs, ils attendent, pour 65?% d'entre eux, des formations nouvelles, reposant sur les potentialités des nouvelles technologies de l'information et de la communication (enquête Cegos).
Justement, les avancées des nouvelles technologies informatiques rendent désormais possible la mise en place et l'utilisation des serious games. Ils relancent complètement l'attractivité des formations professionnelles : ils proposent -outre l'introduction du jeu et de la gamification- : une ingénierie pédagogique plus complexe, une pédagogie de l’apprentissage «?par la bande?», une interactivité forte, une pédagogie de l’erreur (on peut se tromper et recommencer), des modalités d’utilisation variées (en séminaire, en social learning, en coaching, en blended learning, en e-learning pur) et, ils ont une durée de vie plus grande (on peut rejouer).
De très nombreux responsables de formation ont d'ailleurs repéré les potentialités de tels outils de formation et poussent leurs entreprises à utiliser ou à réaliser de tels e-learnings innovants. La liste de ces entreprises s'allonge tous les jours. L'Idate, pour sa part, estime que le taux de croissance annuel moyen du marché du serious game est de 47?% actuellement et qu'il pourrait être sept fois plus important dans deux ans.

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