La loi n° 2009-1437 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie professionnelle du 24 novembre 2009 a été publiée au Journal Officiel du 25 novembre dernier, après avoir été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Après une première partie (cf. Décideurs n°111 - p.28) relative aux impacts RH de la réforme, retour sur les impacts financiers induits par le nouveau système.

Les entreprises s’apprêtent à mettre en œuvre les nouvelles mesures issues de la réforme de la formation professionnelle et à modifier leur politique de formation en conséquence.
Si les nouveaux dispositifs prévus par la loi du 24 novembre 2009 ont été annoncés et présentés de longue date, le volet financier est quant à lui passé plus inaperçu.
Pourtant les entreprises ne pourront pas ignorer cet aspect financier de la réforme qui pourrait en effet être source de profonds changements et de contraintes supplémentaires et les amener à repenser leur stratégie en matière de formation professionnelle.

La nouvelle loi entraîne en effet une modification des circuits de financement des fonds de la formation professionnelle, corollaire nécessaire à la mise en œuvre des objectifs poursuivis par la réforme.
L’un des objectifs prioritaires de la réforme est de favoriser l’accès à la formation professionnelle en réduisant les inégalités d’accès, notamment pour les salariés peu ou pas qualifiés, les jeunes, les salariés des petites et moyennes entreprises, mais également pour les demandeurs d’emploi.
Dans ce contexte et afin d’assurer l’effectivité du dispositif, les partenaires sociaux ont affirmé, dans le cadre de la négociation de l’accord national interprofessionnel à l’origine de la récente loi, leur volonté de se doter de « moyens financiers adaptés » en créant un nouveau fonds, pierre angulaire de la rénovation du dispositif de formation professionnelle continue.
Ce fonds, appelé Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), qui se substitue désormais à l’ancien fonds unique de péréquation (FUP), a pour vocation d’orienter une partie des fonds collectés au titre de la formation professionnelle continue vers le financement d’actions de qualification et de requalification au profit des salariés en déficit de formation et des demandeurs d’emploi.
En termes de ressources, le FPSPP est alimenté par les excédents dont disposent les OPCA mais également, et c’est là une des mesures majeures de la nouvelle loi, par un nouveau prélèvement compris entre 5 et 13 % de l’obligation légale de financement de la formation professionnelle continue.
Ce prélèvement dont le taux est fixé chaque année par arrêté ministériel sera collecté par les OPCA qui le reverseront au FPSPP.

Cette modalité de financement modifie-t-elle le montant à la charge des entreprises ?

En apparence non puisqu’elle ne constitue qu’une modalité de ventilation de l’obligation légale de financement de la formation professionnelle. La ponction de 5 % à 13 % s’impute en effet sur le taux de participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue, qui reste inchangé (soit 1,6 % des salaires payés pour les entreprises de 20 salariés et plus).
Mais en apparence seulement… puisqu’en pratique les entreprises seront bien souvent amenées à augmenter la charge de leurs dépenses de formation professionnelle et devraient voir, au surplus, leur liberté de choix concernant les actions de formation et les salariés bénéficiaires entravée.
En effet, ce nouveau prélèvement à destination du FPSPP ampute nécessairement le fonds des OPCA et par conséquent les ressources disponibles pour l’entreprise pour financer les dispositifs de formation (CIF, période et contrats de professionnalisation, DIF et plan) de 5 % à 13 %.
Le montant de la ponction sera significatif puisque pour un taux fixé à 13 %, la contribution des entreprises au FPSPP peut atteindre 0,21 % de la masse salariale brute annuelle (13 % x 1,6 %).
Dans ce contexte, la capacité de prise en charge par les OPCA, tenus de reverser cette contribution au FPSPP, sera réduite d’autant.
Par conséquent, les entreprises qui souhaiteront maintenir leur niveau de formation actuel tant sur le nombre de salariés bénéficiaires que sur les actions de formation engagées, seront contraintes d’augmenter leurs charges en la matière en finançant des dépenses qui, avant la loi, auraient été prises en charge par les OPCA.
Quant aux entreprises qui s’acquittaient directement de leurs obligations au titre du plan en finançant les actions de formation à leurs salariés (au titre du 0,9 %), elles seront également privées d’une part de leurs ressources puisqu’elles devront désormais procéder à un versement obligatoire auprès des OPCA, seuls autorisés à reverser la nouvelle contribution au FPSPP.
Pour nombre d’entreprises, le prélèvement pour le Fonds paritaire représentera donc une ponction supplémentaire et par conséquent un frein au développement de la formation professionnelle.
Dans un objectif d’optimisation financière, les sociétés qui le peuvent devront donc orienter une partie de la formation vers les publics et actions jugées prioritaires par le législateur.
C’est en effet sous cette condition qu’elles pourront bénéficier des ressources du FPSPP dédiées aux publics en difficultés.
Si l’objectif affiché de la loi est précisément de favoriser l’accès à la formation professionnelle des publics les plus fragiles, il n’en demeure pas moins que cela représente une entrave à la liberté de gestion des entreprises qui établiront leur processus de formation sur la base de critères sociaux et non économiques, situation certes louable mais néanmoins complexe et pénalisante dans un contexte économique dégradé.
Les nouvelles dispositions orientant les aides vers certains publics sont de surcroît fortement inégalitaires pour les entreprises qui, compte tenu de leur activité ou de leurs besoins n’ont pas, ou peu, la possibilité d’avoir recours à des embauches de salariés prioritaires.
L’assouplissement prévu par le législateur, afin de permettre aux branches professionnelles de ventiler le montant du nouveau prélèvement à destination du FPSPP entre les cotisations au titre du plan de formation (0,9 %) et de la professionnalisation et du DIF (0,5 %), ne devrait pas suffire à corriger ces dérives.
Ce d’autant plus que la prise en charge des actions de professionnalisation et de DIF par les OPCA risque également d’être entravée par le nouveau dispositif de portabilité du DIF.
Comme abordé dans la première partie de cet article (cf. Décideurs n°111 - p.28), le salarié peut désormais demander, sous certaines conditions, à utiliser ses heures de DIF acquises et non utilisées chez un premier employeur afin de poursuivre une action de formation, de bilan de compétence ou de VAE après la cessation de son contrat de travail au Pôle emploi, ou en cas d’embauche chez un nouvel employeur.
Dans la mesure où la portabilité du DIF s’imputera, sauf accord de branche ou interprofessionnel en disposant autrement, sur la section « professionnalisation », les capacités de refinancement des OPCA se trouveront là encore diminuées.
Par conséquent, l’objectif affiché de la réforme qui était de favoriser l’accès à la formation risque donc, dans bien des cas et compte tenu du contexte économique actuel, de constituer à l’inverse un frein à la formation des salariés non « prioritaires » et entraînera, en tout état de cause, les entreprises à revoir leur stratégie de financement de la formation professionnelle.

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