Le verdict est tombé pour Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar. L’Autorité de la concurrence leur inflige une amende de 470 millions d’euros pour s’être entendus sur les prix de revente de matériel électrique au détriment des consommateurs finaux.

Grosse amende dans le secteur du matériel électrique. Le gendarme français de la concurrence sanctionne les fabricants Schneider Electric et Legrand ainsi que les revendeurs Rexel et Sonepar à hauteur de 470 millions d’euros pour entente verticale sur les prix de revente de leur matériel électrique.

L’Autorité de la concurrence a conclu à l’existence de deux ententes verticales sur les prix, la première entre Schneider Electric et les distributeurs Rexel et Sonepar, qui a eu lieu entre décembre 2012 et septembre 2018, et la seconde entre Legrand et Rexel de mai 2012 à septembre 2015.

Information judiciaire et perquisitions pénales

Le bruit courrait depuis 2018 qu’une entente avait eu lieu dans le secteur du matériel électrique. Et que le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence ainsi que celui de l’Agence française anticorruption l’avaient signalé au procureur de la République. En s’appuyant sur deux témoignages anonymes et des révélations de Médiapart, les autorités de régulation soupçonnaient Schneider Electric et Legrand de contrôler les prix de revente de leurs produits au client final en s’accordant avec leurs distributeurs – Rexel et Sonepar –, via un mécanisme dit “de prix dérogés”. Après ouverture d’une information judiciaire, des perquisitions pénales ont été réalisées au sein des locaux des supposés infracteurs.

 Lire aussi  Concurrence : la CJUE confirme l’annulation de l’amende de 1,06 milliard d’euros à l’encontre d’Intel

 Lire aussi  Greenwashing : Shein dans le viseur de l’autorité de la concurrence italienne

Dérogations tarifaires : les prémices de l’entente

À l’été 2021, l’ADLC s'était saisie du volet concurrentiel du dossier et, à l’issue de son instruction, confirmait l’existence de dérogations tarifaires frauduleuses, “dont les modalités de mise en œuvre ont, en l’espèce, permis aux fabricants de matériel électrique de fixer les prix de revente de leurs produits aux clients finaux et aux distributeurs de préserver leur marge”, explique le communiqué.

Les prix dérogés permettaient au distributeur de matériel électrique basse tension d’accorder une remise au client final qui le lui demandait sans devoir revendre à perte. Pour ce faire, le fournisseur accordait au revendeur une remise sur son prix d’achat initial. Et conservait le dernier mot sur le montant facturé au client final et celui de l’avoir accordé au distributeur.

Si le mécanisme n’est en soi pas frauduleux, il a servi de base à la constitution d’une entente entre les fabricants Schneider Electric, Legrand et ses distributeurs Rexel et Sonepar. En fixant des prix de revente élevés contractuellement maximaux ou “conseillés”, mais qui se sont révélés fixes en pratique, Schneider Electric et Legrand ont empêché des concurrents intra-marque de pénétrer sur le marché des distributeurs et de réengager les négociations. L’Autorité de la concurrence a également souligné que Rexel et Sonepar avaient parfaitement connaissance du caractère illégal du mécanisme, leur permettant de conserver des marges copieuses, au détriment de l’acheteur final.

Gravité des faits et puissance financière

Schneider Electric écope de la sanction la plus élevée (207 millions d’euros), suivi par Rexel (124 millions d’euros). Sonepar et Legrand reçoivent quant à eux respectivement une amende de 96 et 43 millions d’euros.

Si l’amende est aussi salée, c’est parce que l’entente est considérée comme “l’une des pratiques anticoncurrentielles les plus graves”, explique le gendarme de la concurrence. D’autant plus qu’elle concerne quatre entreprises leaders du secteur, ayant une puissance financière significative, et qu’elle a conduit à une fixation élevée des prix portant une atteinte grave à la concurrence et pénalisant le consommateur final.

De leur côté, les entreprises condamnées clament leur innocence et ont indiqué se réserver le droit de faire appel de la décision. Tandis que Schneider Electric “rejette toute allégation selon laquelle ses pratiques de distribution ne seraient pas conformes aux règles de la concurrence”, Rexel – qui a par ailleurs bénéficié d’un abattement de 20 % de la sanction encourue pour avoir essayé de convaincre ses fournisseurs de participer à la réforme du système de dérogation –  soutient que “le mécanisme des dérogations (...) est une remise commerciale classique sur le prix d'achat consentie par le fournisseur au distributeur”. Sonepar, lui, se dit “convaincu d'avoir œuvré au bénéfice de ses clients, dans le strict respect des règles de concurrence”.

Entre l’Autorité de la concurrence et les fabricants de matériels électriques, la guerre est donc déclarée. Sans compter que la procédure pénale à leur encontre court toujours : fin 2022, Schneider Electric a été mis en examen pour “entente” et “corruption active” et Rexel et Legrand pour “corruption passive” dans le cadre de la même affaire. Pour les trois entreprises, la fin d’année s’annonce… électrique.

 Lire aussi  Benoît Cœuré, nouveau président du Comité de la concurrence de l’OCDE

Ilona Petit 

Prochains rendez-vous

02 octobre 2024
Sommet du Droit en Entreprise
La rencontre des juristes d'entreprise
DÉJEUNER ● CONFÉRENCES ● DÎNER ● REMISE DE PRIX

Voir le site »

02 octobre 2024
Rencontres du Droit Social
Le rendez-vous des acteurs du Droit social
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER  

Voir le site »

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024