Après cinq années de CJIP conclues et exécutées en matière de corruption et de fraude fiscale, le PNF publie de nouvelles lignes directrices sur la mise en œuvre de l’outil. Elles remplacent celles publiées le 26 juin 2019 et élaborées avec l'Agence française anticorruption. Bonne foi de l’entreprise, amende, relation entre la personne mise en cause et le parquet : de nouvelles suggestions pour amener les entreprises à se dénoncer.
Le parquet national financier met à jour ses lignes directrices pour la CJIP
Le 16 janvier 2023, le parquet national financier publie des lignes directrices pour les CJIP en matière de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale et blanchiment de ces délits. Le but ? Renforcer la “qualité de la coopération des personnes morales avec autorité judiciaire et l’efficacité du traitement des affaires pénales”, et apporter davantage de “prévisibilité” et “sécurité juridique”.
Le document de 27 pages publié par le PNF reprend les principes de bases de la CJIP en les étoffant quelque peu. L’occasion de rappeler les avantages que présente la justice négociée pour les entreprises contrevenantes. “Le recours à une CJIP confère à l'entreprise un rôle actif dans la procédure judiciaire et lui permet une meilleure gestion de l'aléa financier de son issue.” Et de poursuivre : “Il permet à l'entreprise de montrer sa détermination à rompre avec des pratiques antérieures, son adhésion à une résolution judiciaire pour solder le passé et son engagement dans une démarche préventive renforcée(…)” Parmi les précisions notables apportées en ce début d’année, il y a par exemple une liste des avantages directs et indirects résultant des manquements : profit marginal généré par les actes litigieux ou gains directs et indirects des gains futurs attendus, voire gain de visibilité.
Sont également précisés les facteurs minorants et facteurs majorants de l’amende, détaillés dans une “une grille d’évaluation de la part afflictive de l’amende d’intérêt public“. Cette grille donne des circonstances de majoration ou minoration, avec en face, les pourcentages correspondants. Ainsi l’amende est majorée de 30 % si un agent public est impliqué, de 50 % si l’infraction a causé un trouble grave à ordre public. À l’inverse sont prévues des minorations de 40 % si l’entreprise a indemnisé la ou les victimes sans attendre la CJIP, de 30 % si elle coopère activement avec l’entreprise. Le texte apporte par ailleurs l’insertion de précisions sur les suites à donner au refus de validation, la rétraction ou l’inexécution de la CJIP et sur les modalités de la reprise de l’action publique dans ces situations.
Un recul de cinq années permet au PNF d’évaluer l’efficacité de la CJIP instaurée par la loi dite Sapin 2 du 9 décembre 2016. Si le mécanisme plaît au gouvernement – Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, le défendait devant le Sénat la semaine dernière –, il est loin de faire l’unanimité. L’association Sherpa par exemple, qui affirmait dans une tribune du 8 décembre 2020 dans le journal Le Monde, à l’occasion de l’ouverture de la CJIP aux affaires environnementales : “Sous le prétexte d’accélérer les procédures et de permettre le paiement d’amendes plus élevées, car déterminées au regard du profit tiré de l’infraction, la CJIP organise l’impunité et l’irresponsabilité pénale des entreprises.“
Anne-Laure Blouin
Lire aussi Certains les aiment, d’autres moins : retour sur un an de CJIP vertes