Le rassemblement de Valérie Pécresse au Zénith devait asseoir la stature présidentielle de la candidate LR. Sa prestation fut catastrophique. Et si le succès avait été au rendez-vous ?

Ce 12 février 2022, Valérie Pécresse inspecte le Zénith où aura lieu le lendemain son grand discours de campagne. La candidate à la présidentielle découvre la scène, le pupitre, les musiques entraînantes de la DJ Nataly K, l’enthousiasme de Geoffrey Carvalhinho et Sarah Boualem, les chauffeurs de salle. Dans la tête de la candidate résonnent les mots du discours rédigé par sa plume Igor Mitrofanoff.

Mauvaise intuition

Soudain, Valérie Pécresse prend tout le monde de court : "Je ne le sens pas, on va tout reprendre de zéro." Son équipe de campagne panique, tout est organisé au cordeau et il est trop tard pour faire machine arrière. Mais la candidate n’en a cure, elle a un mauvais pressentiment. Sur le fond et la forme, l’événement ressemble aux traditionnelles grand-messes de la droite : des envolées lyriques, une ode à la France, des phrases censées chauffer à blanc les militants, des confessions personnelles, des milliers de drapeaux français, une sono qui donne la pêche. "Ce n’est pas moi, ça ne me correspond pas, je ne suis pas de Gaulle, Pompidou, Chirac ou Sarkozy", admet la présidente de la région Île-de-France.

Elle le sent au fond d’elle-même, ses conseillers ne comprennent pas sa personnalité, se calquent sur ce qui se fait d’habitude. Leur obéir, c’est prendre le risque de faire moins bien que ses prédécesseurs, d’être moquée, pire encore de faire échouer sa famille politique. Sûre d’elle-même, elle ordonne à son cercle proche : "Cette campagne, c’est mon moment, laissez-moi faire."

Un pari gagnant

Le jour J, stupeur dans la salle et chez les journalistes présents sur place. Valérie Pécresse s’avance sur scène, en guise d’introduction une simple phrase : "Bonjour, je viens vous présenter mon projet pour la France." Durant deux heures, sans notes, elle arpente le podium, dévoile de façon pédagogique son programme. Pas de pupitre, pas de prompteur, pas de phrases chocs mais un simple tableau Velleda dont elle se sert pour parler fiscalité, dette, immigration, services publics. Inédit ! Le public est désemparé, n’ose pas faire la claque ni agiter les drapeaux. Le Zénith plonge dans un silence digne d’une salle de classe. Au premier rang, les chapeaux à plume du parti paniquent. Ça y est, elle a coulé sa campagne et le parti par la même occasion.

Mais les réseaux sociaux sont dithyrambiques : c’est du sérieux, pas de la com, on sait où elle va, ce qu’elle veut, elle impose son style, se fiche des codes ! Les éditorialistes et l’opinion publique emboîtent le pas, se pâment, son tableau Velleda devient un mème, certaines de ses phrases comme :  "La politique ce n’est pas du cirque", "avec moi pas d’entourloupes" deviennent culte et ornent des tee-shirts. Même Nicolas Sarkozy se déclare "bluffé" et la soutient. Dans la campagne électorale, la dynamique est de son côté.

Nicolas Sarkozy se déclare "bluffé" et la soutient

Patronne de la droite

Le 10 avril au soir, elle atteint 21,3 % et échoue de peu à accéder au second tour qui oppose Marine Le Pen à Emmanuel Macron, finalement réélu. Les législatives sourient à LR qui obtient plus de 150 députés. La droite a enfin un "chef sachant cheffer" pour paraphraser Jacques Chirac. Ou plutôt une cheffe qui impose un contrat de gouvernement à la Macronie contrainte de se soumettre à une femme que personne n’imaginait si forte.

Dans le gouvernement dirigé par Élisabeth Borne, certains ministres sont issus de LR et ils sont les plus populaires de l’exécutif : David Lisnard à l’Éducation nationale, Rachida Dati à la Culture, Aurélien Pradié au Travail, Arnaud Danjean aux Armées, Philippe Juvin à la Santé, Robin Reda au Budget ou Virginie Calmels à Bercy. Celle qui incarne la "Nouvelle France" est bien partie pour enterrer le "Nouveau monde" en 2027. Un indice ne trompe pas : d’anciens macronistes de droite essaieraient de retourner discrètement au bercail…

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Lucas Jakubowicz

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