Ce sont les risques. En optant pour la stratégie mélenchoniste du bruit et de la fureur, certains députés LFI donnent une mauvaise image de la Nupes, globalement perçue comme un repaire de populistes braillards en quête de buzz. Pourtant, dans l’ombre, de nombreux jeunes députés ne ménagent pas leur peine et se centrent sur le fond.
Nupes : ces jeunes députés peu connus mais incontournables
Philippe Brun, socialiste périphérique
Sur les cinq circonscriptions de l’Eure, quatre ont été conquises par le RN lors des dernières législatives. Le socialiste Philippe Brun a évité le "grand chelem" grâce à une victoire étriquée (350 voix d’avance). Pour le trentenaire, les choses sont claires : la gauche a perdu les classes populaires qui se tournent vers l’extrême droite. Chiffres et données à l’appui, il alerte et agit. Ce diplômé de Sciences Po, l’ENA et HEC a créé une école de l’engagement pour inciter les Français les moins aisés à s’intéresser à la politique et à s’engager. Il est également à l’initiative de la convention "Retrouvons le peuple" pour renouer avec la majorité des électeurs dégoûtés d’une gauche urbaine et trop coupée du réel. Allergique au "marketing politique" et aux petites phrases, il privilégie le travail de fond. Cet homme de dossier s’est notamment rendu à deux reprises à Bercy pour éplucher des milliers de pages concernant l’avenir d’EDF et alerter l’opinion et la classe politique sur les risques d’une privatisation progressive.
Arthur Delaporte, loyaliste mais briseur de clivage
Le Normand est l’une des étoiles montantes du parti à la rose dont il incarne de nombreuses traditions.Une famille où parents, grands-parents, frères et sœurs enseignent, une agrégation d’Histoire (et un diplôme de Sciences Po), une barbe, des lunettes, un mémoire sur la politique de François Mitterrand en Bulgarie. Sur le papier, Arthur Delaporte est la quintessence du socialiste tel que les clichés l’imaginent. Élu en 2022 dans la 2e circonscription du Calvados, un fief PS qui a résisté à la vague macroniste cinq ans plus tôt, le trentenaire s’est vite fait un nom. Aux commandes de la fédération du Calvados et dans les arcanes du parti à la rose, il fait partie des défenseurs de la Nupes et de la ligne portée par Olivier Faure. Mais dans le cadre de ses fonctions, il se démène pour casser les clivages. Dans une Assemblée plus fractionnée que jamais, il s’est associé avec le député macroniste Stéphane Vojetta pour rédiger ce printemps une proposition de loi visant à mieux encadrer le métier d’influenceur, ce qui lui a permis de prendre encore plus la lumière.
Hadrien Clouet, insoumis mais conciliant
Lorsque les députés hors Nupes évoquent en off leurs collègues LFI, les mots sont souvent durs. "Sectaires", "antirépublicains", "populistes", "insultants", "pas démocrates". Quelques rares élus sont épargnés. Parmi eux, Hadrien Clouet, tout juste 32 ans. Le sociologue de formation, spécialisé dans les questions liées à l’emploi, s’est fait un nom durant la réforme des retraites. Pilier de la commission des Affaires sociales, il a défendu haut et fort ses positions tout en étant capable de travailler et de dialoguer avec des députés LR ou de la majorité. Pour la bonne cause : "Cela permet de semer des graines dans l’esprit d’autres députés, on en parle, ça infuse. Et eux aussi nous apprennent beaucoup." Ce titulaire d’un bac franco-allemand est engagé de longue date auprès de Jean-Luc Mélenchon. Il adhère au Front de gauche ("ancêtre" de LFI) dès 2008 et a très vite des responsabilités : chargé des relations européennes en 2012 ou encore coresponsable du programme L’Avenir en commun avec Clémence Guetté en 2022.
Antoine Léaument, geek révolutionnaire
En France, l’Histoire occupe une place primordiale. Plus qu’ailleurs, un mouvement politique doit puiser dans les racines du passé pour se légitimer. Les Insoumis aiment se présenter comme les descendants des sans-culottes. Pour prêcher la bonne parole, ils peuvent compter sur Antoine Léaument, un "fan "de la Révolution quitte à faire rire certains. Mais le trentenaire n’en a cure, il porte fièrement la cocarde, cherche à réhabiliter Robespierre, la Commune, appelle Louis XVI Louis Capet. Même s’il lui arrive (sciemment ?) de tordre certains épisodes à des fins électorales, il fait partie de ceux qui ancrent LFI dans le roman national et possède un atout de poids : sa maîtrise des réseaux sociaux lui permet de rassembler une large audience. Celui qui se présente comme un "député Youtubeur" est surtout le Monsieur Digital de Jean-Luc Mélenchon. Si le candidat a su toucher la jeunesse en 2017 puis en 2022, c’est grâce au Castelroussin qui a été récompensé par une "circo en or" dans le Val-de-Marne.
Marie Pochon, l’écolo des champs
Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Tours, Poitiers… Ce n’est pas un cliché, la majorité des députés EELV sont ancrés dans le centre des grandes métropoles. De là à qualifier les verts de" bobos urbains déconnectés de la nature", il y a un pas que l’on ne franchira pas. Car certains infirment les clichés, dont Marie Pochon, qui a repris à LREM la troisième circonscription de la Drôme. En quelques mots, l’une des plus étendues de France, 238 communes, aucune de plus de 10 000 habitants, et la centrale nucléaire du Tricastin. Durant sa campagne et depuis le début de son mandat, Marie Pochon défend une écologie des campagnes en s’attaquant au manque de services publics, à l’exode rural, à ou à l’accès à l’eau. Fille de vigneronne, elle clame son attachement aux paysages, aux champs de lavande, aux traditions locales. Avant les législatives, elle s’est fait connaître comme secrétaire générale de l’association Notre affaire à tous au sein de laquelle elle a coordonné l’action en justice contre la France pour inaction climatique.
Lucas Jakubowicz