La gauche unie est bien partie pour regagner de nombreux sièges, malgré un score en pourcentage égal à celui de 2017. Emmanuel Macron n’est pas assuré d’une majorité absolue, le RN pourrait disposer d’un groupe parlementaire pour la première fois de son histoire, Reconquête ! coule…

La gauche plus forte en sièges, mais stable en voix

Avec près de 26% des suffrages, la Nupes peut avoir le sourire : elle est au coude-à-coude avec la majorité présidentielle. Unie, la gauche devient bien plus forte puisque, selon les projections, elle pourrait obtenir entre 170 et 220 sièges. Une croissance énorme puisque les députés issus des partis membres de la Nupes ne sont que 60 dans l’actuel hémicycle (28 PS, 17 insoumis, 15 communistes).

Cependant, en proportion, la gauche n’est pas forcément plus performante qu’aux législatives de 2017 où, lors du premier tour, les Insoumis disposaient de 11% des voix contre 7,44% pour les socialistes, 4,30% pour les Verts et 2,72% pour les communistes, soit un total de 25,46%. L'union de la gauche sera très probablement le premier groupe d'opposition, même si Jean-Luc Mélenchon ne sera pas premier ministre.

Dimanche prochain, la Nupes devrait devenir la seconde force de l'Assemblée nationale malgré un petit handicap : elle dispose de peu de réserves de voix, hormis les électeurs RN anti-Macron. Dans certaines circonscriptions, des députés EELV ou PS pourraient accéder au Palais Bourbon grâce à des voix lepénistes. Cocasse. 

En 2017, socialistes, écologistes, insoumis et verts obtenaient 25,5%. En 2022, ils sont à 26%. Seule différence, ils sont unis. Et ça change tout.

Majorité présidentielle : pas d’état de grâce

C’est une tradition sous la Ve République : le président élu connaît un état de grâce dont profite son mouvement politique lors des législatives. Ainsi, en 2017, les marcheurs étaient à 28,31% loin devant leur dauphin LR (15,77%). Le cru 2022 est moins bon : 26% des voix avec un score proche de l’union de la gauche.

Ministres candidats : ça passe pour certains, c'est dur pour d'autres

Plusieurs "poids-lourds" de la Macronie sont en fâcheuse posture. Le plus "mauvais élève" est l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer parachuté dans le Loiret et éliminé dès le premier tour avec 18%. Dans l’Essonne, la ministre Amélie de Montchalin, espoir de la macronie est en grande difficulté face au socialiste Jérôme Guedj qui dispose de deux atouts dans sa manche : un fort ancrage local et un positionnement laïc et universaliste qui peut rassurer une grande partie du centre-gauche.

Toujours en Ile-de-France, deux proches d’Emmanuel Macron sont en ballotage défavorable. A Paris, avec 34,7%, Clément Beaune, ministre délégué aux Affaires européennes est derrière l’avocate Nupes Caroline Mécary (39,5%). De son côté, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini est crédité de 33% loin derrière la verte Léa Balage El Mariky (39,5%) qui représente l’union de la gauche.

D’autres sont plus à leur aise : Gérald Darmanin dans le Nord (44,5%) Olivier Véran dans l’Isère (41,8%), Damien Abad dans l’Ain (33,4%) partent favori au second tour. Dans le Calvados, Elisabeth Borne, 37%, est en ballotage favorable pour son baptême du feu électoral. La meilleure performance des membres du gouvernement est sans doute Gabriel Attal qui dépasserait les 50%. Mais la participation étant insuffisante, il devra passer par un second tour.

RN et Reconquête !

Abstention. Voici un mot qui fait peur au rassemblement national. Car c’est mathématique, plus l’abstention est élevée, plus le score du parti de Marine Le Pen est bas. La cause ? Un électorat plutôt populaire qui se mobilise pour les présidentielles mais moins pour les scrutins intermédiaires. Même si un nombre record d’électeurs a boudé les urnes ce dimanche, le parti populiste tire les marrons du feu. Lui qui décrochait 13,2% au premier tour des législatives en 2017 obtient 19% cinq ans plus tard. En 2017, le RN a perdu 8 points entre ses scores du premier tour de la présidentielle et celui des législatives. Désormais la différence est de 4 points. Au total, le bloc constitué par le RN et Reconquête ! est à 23%.

D’après les projections en sièges, le RN pourrait enfin dépasser les 15 députés nécessaires à la création d’un groupe parlementaire. Pour le camp Zemmour, c’est la soupe à la grimace. Son dirigeant Eric Zemmour et Guillaume Peltier ne passent pas le premier tour.

LR : un "petit parti charnière" ?

Comment matérialiser le déclin de LR ? Peut-être par ces chiffres : le parti disposait de 345 députés en 2007, de 229 en 2012, de 101 en 2017. Et entre 40 et 60 en 2022. Avec près de 11% des voix, le parti, longtemps au centre de la vie politique, se marginalise peu à peu. Son pire cauchemar ? se "communiser" c’est-à-dire suivre le chemin du PCF, naguère central puis perdant peu à peu son influence pour se replier sur des fiefs se réduisant à peau de chagrin.

Si Emmanuel Macron obtient une majorité relative, LR pourrait jouer un rôle incontournable. S'il décroche la majorité absolue, le parti sera "communisé"

Cependant, le parti représenté par Valérie Pécresse durant la dernière élection présidentielle pourrait, paradoxalement, occuper un rôle pivot dans la future Assemblée. Si la majorité d’Emmanuel Macron est relative, le président de la République aura besoin de députés "d’appoint" qui pourront faire et défaire les lois.

Il n’empêche que les résultats du parti de droite peuvent inquiéter. Certains résultats sont préoccupants : dans l’Yonne Guillaume Larrivé, député sortant et identifié localement est arrivé troisième (22,6%) derrière une écologiste représentant la Nupes (24,2%) et un candidat RN (24%). LR comptait reprendre le siège de Guillaume Peltier parti chez Reconquête, le parti n’ira pas au second tour. Le parti a également perdu certains bastions comme la circonscription de Neuilly-sur-Seine où Constance Le Grip, députée LR sortante a rallié la majorité présidentielle et part grandement favorite au second tour. Dans les circonscriptions de l’ouest parisien, Francis Szpiner et Brigitte Kuster sont en ballotage défavorable face aux marcheurs Benjamin Haddad et Astrid Panosyan-Bouvet.

Pour éclaircir la nuit, quelques rayons de soleil : le score d’Aurélien Pradié dans le Lot : 45% soit vingt points de plus qu’en 2017. Dans le Val-de-Marne, le sortant Michel Herbelin obtient 37% et évince du second tour Emmanuelle Wargon.

Lucas Jakubowicz

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