LR devenus macronistes, macronistes convertis à la Nupes et même un LR passé chez Éric Zemmour. Certains députés tentent de se faire reconduire avec une nouvelle étiquette. Une stratégie électoralement gagnante ?

Aux élections législatives de 2022, 79% des députés sortants sont candidats à leur succession. Mais certains d’entre eux se représentent sous de nouvelles couleurs. Accusés de traîtrise par leur ancienne famille politique, parfois mal accueillis par leurs nouveaux amis, ils assurent pourtant avoir suivi leurs convictions.

Constance Le Grip, Éric Woerth, Damien Abad : de LR à Renaissance

Certains passent du centre à la gauche, d’autres de la droite au centre. C’est notamment le cas de la LR Constance Le Grip, élue en 2017 avec 53,81% des voix dans la sixième circonscription des Hauts-de-Seine qui comporte Neuilly-sur-Seine, Puteaux et une partie de la ville de Courbevoie. Ce fief traditionnel de la droite s’est peu à peu "macronisé". Prenons la commune de Neuilly-sur-Seine : François Fillon y avait obtenu 62% au premier tour de l’élection présidentielle en 2017. Cinq ans plus tard, Valérie Pécresse ne décroche que 15,14% des suffrages contre 49% pour Emmanuel Macron. Pour maximiser ses chances de réélection, Constance Le Grip n’a pas le choix : elle doit changer de parti. Elle qui a été fidèle à LR et s’est attaquée au gouvernement pendant son mandat est passée avec armes et bagages dans la majorité le surlendemain du second tour de la présidentielle de 2022 en promettant "d’être de manière constructive et utile au service de l’intérêt général du pays" et pas "dans une opposition frontale". Une prise de position qui lui a permis d’obtenir l’investiture officielle de Renaissance. Elle devra toutefois faire face à Fayza Basini, marcheuse de la première heure qui se présente en dissidente. La sociologie de la circonscription devrait toutefois permettre à Constance Le Grip de l’emporter.

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La députée LR des Hauts-de-Seine Constance Le Grip se présente désormais pour le compte de la majorité sortante. Au premier tour de la présidentielle, Emmanuel Macron (49%) a écrasé Valérie Pécresse (14,5%) à Neuilly-sur-Seine ville principale de la circonscription 

Deux autres députés LR ont rallié les rangs d’Emmanuel Macron et ont obtenu une investiture officielle. C’est notamment le cas d’Éric Woerth. Contrairement à Constance Le Grip, le changement de bord s’est effectué durant la campagne présidentielle. C’est ainsi que le 9 février, dans un entretien au Parisien, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, député de la quatrième circonscription de l’Oise depuis 2007, a annoncé son soutien à Emmanuel Macron, selon lui le "mieux à même de défendre l’intérêt de la France et des Français. Je pense profondément qu’un second mandat d’Emmanuel Macron serait une chance pour la France." Ce "transfert" devrait permettre à l’actuel président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale de conserver sa place dans l’hémicycle. Sa circonscription, naguère bastion imprenable de la droite s’est mise "en marche" entre 2017 et 2022. Les scores des deux principales villes de la circonscription apportent un éclairage intéressant. À Senlis, LR est passé de 32% à 8% tandis qu’Emmanuel Macron a augmenté son score de 22% à 33%. Il en est de même à Chantilly où LR s’est effondré de 30,5% à 7%, Emmanuel Macron augmentant dans le même temps de 26% à 34%. L’implantation locale d’Éric Woerth et les évolutions électorales devraient lui permettre de conserver son siège.

Accusés de traîtrise par leur ancienne famille politique, parfois mal accueillis par leurs nouveaux amis, ils assurent pourtant avoir suivi leurs convictions

Autre député passé de LR à la majorité, Damien Abad, pourtant ancien président de groupe à l’Assemblée nationale. Nouveau ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, il se représente dans la cinquième de l’Ain qui est plutôt ancrée à droite. Droite qui présente contre lui un candidat : Julien Martinez.

Cédric Villani et Aurélien Taché : de la macronie à la Nupes

Inversement, certains députés ont fait le choix de quitter une majorité qu’ils jugent trop à droite pour rejoindre la Nupes. C’est notamment le cas d’Aurélien Taché, député de la dixième circonscription du Val-d’Oise dont l’épicentre est constitué du canton de Cergy Nord. Issu de l’Unef et du PS, Aurélien Taché est élu sous la bannière LREM en 2017. Mais peu à peu ses prises de positions jugées communautaristes attirent les foudres de la majorité. Majorité qu’il quitte officiellement en mai 2021 jugeant dans le JDD qu’elle est "incapable d’incarner les aspirations populaires, écologiques et de solidarité". Il se rapproche des Verts, soutient Éric Piolle à la primaire écolo et obtient l’investiture de la Nupes. Cependant, sur le terrain, il fait face à de nombreux dissidents puisque sept candidats de gauche se présentent face à lui. Le spectre idéologique est large : Karim Ziabat, Augustin Belloc incarnent une gauche laïque et universaliste, Saana Saitouli est une militante de longue date dans les quartiers populaires… Mais la dispersion des voix devrait favoriser sa réélection.

Une réélection qui s’annonce plus difficile pour Cédric Villani, incarnation de la société civile ralliée au macronisme en 2017. Le mathématicien, exclu de LREM pour s’être présenté à la mairie de Paris sans l’aval de son mouvement, a lui aussi rejoint la Nupes sous les couleurs écologistes. Villani souhaite conserver son siège mais la cinquième circonscription de l’Essonne est plutôt macroniste. Elle comporte une forte concentration de cadres dans les communes aisées d’Orsay, de Gif-sur-Yvette, Bures-sur-Yvette, Bièvres ou encore Verrières-le-Buisson. Ces villes ont plébiscité le président sortant au premier tour : 41% à Gif-sur-Yvette, 40% à Saclay, 35% à Orsay. Cédric Villani peut donc s’attendre à un duel serré face à Paul Midy, "macroniste officiel".

Pour terminer notre tour de France, soulignons qu’un seul député se déporte vers l’extrême droite. Il s’agit de Guillaume Peltier, élu LR dans la 2e circonscription du Loir-et-Cher et désormais candidat Reconquête!. Un nouveau parti d’adoption pour le quadragénaire passé par le MNR de Bruno Mégret, le MPF de Philippe de Villiers, LR puis le mouvement fondé par Éric Zemmour. Selon des sondages commandés par LR, l’élection semble mal embarquée pour lui.

Lucas Jakubowicz

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