Le parti de Marine Le Pen voulait frapper un grand coup en remportant au moins une région et en s’imposant comme principale force d’opposition dans la majorité des conseils régionaux. Mais le RN s’est pris les pieds dans le tapis. Autopsie d’une contre-performance.

C’est un grand classique de la vie politique. À l’issue d’une élection, les responsables d’un parti défait sont adeptes de la méthode Coué : dans les médias, ils assènent sans trop y croire le classique "malgré de mauvais scores, il y a des raisons d’espérer". Le Rassemblement national ne s’est même pas donné cette peine.

La Bérézina en chiffres

Avant le premier tour, le mouvement lepéniste nourrissait de réelles ambitions de victoires dans certaines régions, notamment Paca et, dans une moindre mesure, la Bourgogne Franche-Comté. Dans le pire des cas, il espérait égaler les bons résultats du cru 2015 et devenir la principale force d’opposition dans la majorité des régions. Le retour à la réalité est rude. Que ce soit au premier ou au second tour, tous les candidats RN sans exception ont fait moins bien que lors du dernier scrutin. Dans les Hauts-de-France, Sébastien Chenu a récolté 24,4% des voix au premier tour, loin des 40,6% de Marine Le Pen. Du côté de la région Grand Est, le mouvement de droite populiste est passé de 36% à 21% tandis qu’il a divisé son score par deux en Auvergne Rhône-Alpes (25,5% en 2015, 12,3% en 2021). Pourtant implanté en Normandie, Nicolas Bay est passé de 27,7% à 19,9%.

Dans les régions de gauche, le RN est également en recul. Jean-Paul Garraud, figure de proue de la dédiabolisation du parti, n’a séduit que 22,6% du corps électoral contre 31,8% en 2015. Jeunes inconnus (Edwige Diaz en Nouvelle-Aquitaine ou Aleksandar Nikolic en Centre Val-de-Loire), ex-LR tels que Jean-Paul Garraud ou Thierry Mariani, députés comme Sébastien Chenu, jeune pousse ambitieuse comme Jordan Bardella en Ile-de-France, transfuge de la gauche à l’instar d’Andréa Kotarac en Auvergne Rhône-Alpes : l’état-major frontiste présentait une large diversité de candidats. Tous ont été déçus.

À qui la faute ?

Si le RN a connu un véritable accident industriel, la cause est pour le moment difficile à cerner. Certes, l’abstention a pénalisé les partis populistes. Mais si les électeurs traditionnels du RN ont pour beaucoup déserté les urnes, il a peut-être une part de responsabilité. Est-il devenu partie intégrante du "système" tant honni ? Ses tentatives de dédiabolisation ont-elles rebuté les électeurs traditionnels sans attirer des déçus de LR ? Sa rhétorique du "tous pourris" a-t-elle incité la base à ne pas aller voter ? Impossible de répondre clairement à la question, faute d’études précises.

Malgré l'échec, le RN ne compte pas changer de stratégie

Pour le moment, le RN ne semble pas remettre en question sa stratégie. À l’instar de LREM, il mise tout sur la présidentielle de 2022 et espère mettre Emmanuel Macron en difficulté sur les deux tours même si les chances de voir Marine Le Pen à l’Élysée sont infimes. Cette dernière n’a pas jeté l’éponge en déclarant le soir du second tour : "Je suis plus que jamais déterminée à mettre toute mon énergie et ma volonté à réhabiliter la politique, à lui rendre son utilité au service des Français." Une manière de dire qu’il faudra compter sur elle et qu’elle n’a pas l’intention de céder son "fonds de commerce" à un autre prétendant. Message probablement reçu cinq sur cinq du côté des partisans de la "droite hors les murs" qui poussent Éric Zemmour à se lancer dans l’arène politique.

Lucas Jakubowicz

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