Journaliste et auteur, Alexandre Mendel a sillonné pendant plusieurs mois l’Amérique qui vote Trump. Il se penche sur l’avenir de l’ancien président et de son parti.

Décideurs Magazine. Quelles traces va laisser Donald Trump chez les républicains ?

Alexandre Mendel. Durant ses deux campagnes présidentielles et son mandat, Donald Trump a remis au centre les notions d’immigration, d’identité, de patriotisme, d’isolationnisme et surtout de protectionnisme économique. Il s’agit d’une rupture puisque les républicains de ces trente dernières années ont soutenu tous les accords de libre-échange, les opérations militaires à l’étranger ou la tolérance vis-à-vis de l’immigration illégale, source de main d’œuvre bon marché. Ce repositionnement semble être aujourd’hui partagé par une large partie de l’électorat républicain, dont Donald Trump a accéléré la mutation.

Désormais, le parti est devenu celui des cols bleus, des ouvriers, des classes populaires blanches. Un changement lié au discours et à la politique de Donald Trump qui a compris les attentes des "petits blancs", encore majoritaires dans le pays. Un électorat qui votait Bill Clinton ou John Kennedy. Dans le même temps, les démocrates deviennent de plus en plus le mouvement des élites des grandes villes et des minorités ethniques. Les républicains pourront également se reposer sur le bilan de Donald Trump qui, objectivement, n’était pas si mauvais avant la crise sanitaire : baisse du chômage, hausse des salaires, baisse des impôts… Pour que les choses soient claires, l’excentrique New-Yorkais n’a pas fragilisé son parti.

Tous les aspects du trumpisme seront-ils revendiqués par les républicains ?

Non. Le trumpisme en tant qu’attitude va se retrouver marginalisé. Les provocations permanentes, la haine des médias et le complotisme devraient revenir au second plan, même si certains responsables tels que le Texan Ted Cruz reprennent une partie des éléments de langage de Trump. Il faut vraiment avoir à l’esprit que les républicains adeptes des fake news, qui s’informent sur QAnon sont une minorité chez les élus et les électeurs. La majorité est composée de personnes "normales" qui vivent dans des banlieues pavillonnaires et qui réclament un parti plus présentable et sans outrance. C’est ce cœur de cible composé des fameuses « suburban women » qui a coûté la victoire au parti.

"Les républicains sont devenus le parti des cols bleus, c'est le principal héritage de Trump"

Un retour de Trump est-il possible ?

Les sondages lui donnent pour le moment de jolis scores, mais, en quatre ans, bien des choses peuvent se passer. Personnellement, je pense qu’il est improbable que Donald Trump soit à nouveau candidat républicain à une élection. Aux États-Unis, c’est une tradition politique vivace : un président défait ne se représente plus. Bien qu’imprévisible, Donald Trump devrait suivre la tendance. Son succès sera loin d’être assuré et il déteste perdre, surtout une seconde fois ! Quel serait son discours ? Asséner pendant quatre ans : j’aurais dû gagner ? Son camp va passer très vite à autre chose.

On voit pourtant mal Donald Trump renoncer à la lumière. Que peut-il devenir ?

En France, on présente  Donald Trump comme un milliardaire. Aux États-Unis, il est plutôt vu comme une star de téléréalité. Durant ses campagnes, des spectateurs faisaient parfois 2 000 kilomètres en voitures pour assister à un spectacle davantage qu’à un meeting. Il devrait recommencer à faire le show, très probablement grâce à un livre qui sera un best-seller et qui pourrait se vendre plus que les ouvrages des Obama. Ses problèmes avec la justice et avec ses finances devraient l’occuper un certain temps…

En revanche, je ne le vois pas créer un parti. Il aura des difficultés à lever des fonds et, surtout, les républicains ont repris ses idées, pas son attitude. Sans compter que les Américains n’ont pas la culture du culte de la personnalité, ce qui rend illusoire la création d’un mouvement centré sur une seule personne.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

Journaliste, Alexandre Mendel est l'auteur de "Chez Trump,  245 jours et 28 000 miles dans cette Amérique que les médias ignorent". Décideurs avait parlé de cet ouvrage dans son dossier consacré à la présidentielle américaine.

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