La terrible décapitation de Samuel Paty est un désaveu pour la politique "d’accommodement" d’une grande partie de la gauche qui risque probablement de changer de stratégie. Du moins en façade.

PS, les laïcs reprennent l’offensive

Pour remporter les élections, les partis politiques écoutent attentivement les recommandations de sondeurs, spin doctors et autres think tanks. En 2012, les conseils prodigués par Terra Nova au PS avaient le mérite de la clarté : les électeurs issus des milieux populaires votent de plus en plus à l’extrême droite de l’échiquier politique. Les nouvelles zones de conquête se situent chez les minorités, qu’elles soient ethniques ou religieuses. C’est à elles que le parti de Jean Jaurès doit s’adresser en premier lieu pour continuer d’exister.

Quitte à tomber peu à peu dans le communautarisme, le clientélisme ou la fameuse "laïcité inclusive". Sous le quinquennat Hollande, vision "Terra Nova" et vision "classique" se sont affrontées. C’est finalement la première qui a obtenu gain de cause en 2017 avec la désignation de Benoît Hamon comme candidat à la présidence de la République. Résultat des courses : un piteux 6,36%, la perte de 90% des députés socialistes et du symbolique siège de la rue de Solférino.

Bousculé à gauche par des partis encore plus conciliants avec le communautarisme, le PS tente depuis quelques années de laïciser à nouveau son discours. Une tâche facilitée par le départ de nombreux hamonistes du mouvement. Désormais, il semble que le parti à la rose soit retourné aux basiques. À Montpellier, Nancy, Saint-Denis… les élections municipales ont été marquées par les victoires de candidats plutôt intraitables face au communautarisme. C’est ainsi que le Montpellierain Michaël Delafosse a refusé qu’une candidate voilée apparaisse sur sa liste. Lors de ses universités d’été, le parti a même discrètement décommandé la venue du député ex-LREM Aurélien Taché, porte-voix du communautarisme à la française.

Bernard Cazeneuve a attaqué "les discours ambigus de certains groupes gauchistes"

L’horrible décapitation de Samuel Paty devrait confirmer le retour du PS vers une laïcité intransigeante. Sur France inter, Bernard Cazeneuve, l’un des rares socialistes au profil d’homme d’État, n’a pas mâché ses mots en critiquant "les discours ambigus de certains groupes gauchistes". Parmi eux, "des députés insoumis qui ne se comportent pas de façon républicaine et qui sont grandement responsables de ce qui existe dans ce pays".

Le zig zag des Insoumis

On appelle cela de la tromperie sur la marchandise. En 2017, Jean-Luc Mélenchon récolte plus de 7 millions de voix (19,58%) en jouant le rôle du professeur érudit, gardien de la laïcité. Mais peu à peu, le discours des Insoumis change radicalement. La majorité des députés mélenchonistes exercent leur mandat dans des circonscriptions où les milieux associatifs musulmans sont influents. En vue d’une hypothétique réélection, mieux vaut les avoir dans son camp, fût-ce au prix de reculades. Pas de quoi préoccuper de nombreux responsables du parti, qui rêvent peut-être d’une révolution citoyenne dans laquelle les musulmans incarnent les nouveaux damnés de la terre...

C’est ainsi que, malgré des remous internes, certains députés, dont Jean-Luc Mélenchon en personne, défilent contre une "islamophobie d’État" en novembre 2019, au côté de militants islamistes. Le député des Bouches-du-Rhône multiplie également les sorties contre Charlie Hebdo (mis sur le même plan que le très droitier Valeurs Actuelles cet été) ou attaque ses opposants en les traitant de membres de la droite israélienne. Lors de ses universités d’été de 2020, le parti donne également la parole a des militants indigénistes tels que Taha Bouhafs. En revanche, le philosophe marxiste Henri Pena-Ruiz, connu pour s’attaquer aux religions, ne fait plus partie des intervenants…

De quoi donner des sueurs froides aux Insoumis historiques, bien souvent bouffeurs de curés et laïcards jusqu’à la moelle. Sans pour autant s’assurer un nouvel électorat. Par la force des choses, il semble que l’état-major insoumis songe une nouvelle fois à retourner sa veste, en témoigne sa présence massive place de la République ce dimanche. Mais cela semble trop tard et trop insincère pour bien des électeurs de gauche. LFI est trop compromise avec les leaders islamistes et communautaires.

Les Verts, fidèles à eux-mêmes

Chez LFI la règle du jeu est simple : si Jean-Luc Mélenchon joue la carte islamo gauchiste, on suit ou on part. Lorsqu’il redevient plus républicain que républicain, prière de se mettre dans sa roue. Les choses semblent différentes chez EELV, parti dans lequel chaque responsable est libre de jouer sa propre musique, y compris sur les questions de laïcité, d’islam ou d’intégration.

Logiquement, c’est dans ce parti que l’union sacrée n’est même pas respectée en façade. La palme revient sans doute à Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement de Paris qui qualifie publiquement l’action de Gérald Darmanin de "mafieuse" et "digne de l’extrême droite".

De manière générale, les Verts se font discrets. Peu habitués à s’exprimer sur les questions de communautarisme ou de laïcité, leur approche du sujet est décomplexée : le maire de Lyon refuse de se rendre à la Basilique de Fourvière au nom de la laïcité mais pose la pierre d’une mosquée le lendemain, le maire de Grenoble ne s’empresse pas de condamner le burkini dans les piscines publiques. Le plus souvent, le parti s’illustre par une approche naïve du communautarisme. Il y a fort à parier que les militants "islamo-gauchistes", voyant peu à peu se refermer les portes du PS et, dans une moindre mesure, celles de LFI, considèrent EELV comme un cheval de Troie potentiel…

Lucas Jakubowicz

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