Montpellier a "offert" aux électeurs la campagne municipale la plus surréaliste de France. Un cadeau empoisonné dont le monde politique ne sort pas grandi.

C’est l’histoire d’une ville, Montpellier, qui serait un héritage du mot occitan "pestelar" signifiant verrou. L’origine sémantique du chef-lieu de l’Hérault se traduisant donc par "Mont qui peut être fermé au verrou". Et c’est vrai que quiconque voudrait comprendre les affres politiques d’une municipalité qu’on surnomme "la surdouée" verrait s’obscurcir les chemins de la raison et sa pensée se verrouiller. Restons pour autant optimiste pour cette superbe ville, qui vit naître Auguste Comte, le père du positivisme, même quand la campagne municipale de Montpellier, dépasse l’entendement.

Le dimanche 15 mars, jour du premier tour, l’électeur en franchissant le seuil de son bureau de vote, doit aussi ouvrir les portes de sa perception et se saisir des 14 bulletins représentant les 14 listes en lice (un record dans l’hexagone) avant de s’isoler dans l’isoloir.

Comme dans nombre de communes françaises, notre citoyen éclairé voudra peut-être accorder une prime au maire sortant : Philippe Saurel. Ancien socialiste exclu par le PS, soutien sans failles d’Emmanuel Macron mais non investi par LREM, se définissant comme porteur d’une "liste citoyenne" mais répertorié comme "divers gauche", fortement diminué par des douleurs au genou puis opéré avec succès, il n’a pratiquement pas fait campagne. L’électeur potentiel lui, à la lecture de ce parcours, finit lui aussi sur les rotules. En dépit d’un score particulièrement bas, l’édile sortira en tête du premier tour avec 19,10 % quand le candidat dument estampillé LREM, Patrick Vignal, ne récoltera que 6,10 %.  

Quatre candidats écologistes !

Il est aussi possible que notre courageux votant du premier tour, conscient des effets délétères du réchauffement, (Montpellier s’est officiellement placé, l’été dernier, en "état d’urgence climatique"), ait voulu porter son choix sur une liste écologiste. Du choix, il n’en aura que l’embarras puisque ce ne sont pas moins de quatre candidats qui peuvent se prévaloir d’un passé ou d’un présent à EELV.

Avec les Verts, on le sait, la synthèse devient une ascèse. Fallait-il octroyer son soutien à Clothilde Ollier (7,25 %), longtemps donnée favorite pour prendre la mairie, choisie dans le cadre d’une primaire avant de se voir retirer son investiture pour cause de recrutements de nombres de militants de la France Insoumise ? A Coralie Mantion (7,42 %), désignée "nouvelle tête de liste EELV" par la grâce d’un programme arguant qu’il est "urgent de reconstruire l'unité du mouvement écolo" (sic) ? A Alenka Doulain (9,25 %) qui militait jusqu’en 2015 chez EELV mais porte désormais le sceau officiel du parti de Jean-Luc Mélenchon ? Ou à Jean-Louis Roumegas (1,61 %), à la fois ancien député et ancien porte-parole d’EELV ?

Etourdi, estourbi, ébaubi, notre électeur, héros de l’Hérault, demeure interdit et choisit de ne pas s’agréger à quiconque de cet agglomérat, qui, pourtant, sur le papier, dépasse allégrement les 25 %.

Un candidat, auteur de canulars

Echaudé par ces manquements à l’union, le citoyen se laissera-t-il convaincre par la liste dont l’intitulé "la Gauche qui nous rassemble" incite à l’apaisement ? Michaël Delafosse, son représentant, qui a réussi à réunir PS/PCF/PRG et Place Publique sous une même houlette, a également su se sortir d’une polémique hivernale suite à la mise à l’écart d’une colistière voilée. Son esprit de sérieux a compensé un léger déficit de charisme, du moins c’est ce qu’ont assuré les quelques 16,66 % d’électeurs ayant rejoint ses rangs.

Les heures défilent et, depuis l’isoloir, le valeureux citoyen s’il ne voit pas tomber le soir, sombre peu à peu dans un inéluctable désespoir. Pendant la campagne, il n’a pas vu émerger la candidature de Rémi Gaillard :  vidéaste vétéran, infatigable militant de la cause animale, clown auteur de canulars à l’audience internationale, il a fait de son mantra, son slogan municipal : "C'est en faisant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui". A la clé : un étonnant score de 9 %

C’est alors qu’inexorablement une migraine carabinée assaille l’électeur en plein tourment. Car il a entre les mains, le bulletin d’un citoyen qui veut dynamiter l’élection grâce à un plan patiemment échafaudé, celui de Mohed Altrad. Fondateur de l’entreprise éponyme, le leader mondial des services industriels, fort d’une fortune estimée à 3,3 milliards d’euros et président du Montpellier Hérault Rugby, s’est porté candidat à la mairie afin "de rendre à cette ville tout ce qu’elle m’a apporté". Sans appui politique, (« ni programme » disent ces détracteurs), le chef d’entreprise termine ce premier tour avec un score mi-figue-mi-raisin (13,30 %) qui lui permet pourtant de garantir son maintien.

Au second tour : un attelage hétéroclite

Abandonnons ici notre électeur, qui, sans choix ni loi, s’est résolu au premier tour à l’abstention, comme 65 % de ces concitoyens et observons ensemble l’ultime déflagration qui a secoué la population : l’annonce le 3 juin dernier d’une union en vue de second tour entre les listes de Mohed Altrad, des Insoumis représentés par Alenka Doulain, du youtubeur Rémi Gaillard et celle de l‘écologiste dissidente Clothilde Ollier.

Un alliage qu’on n’avait pas rencontré depuis le boys band d’une même nom, un attelage des plus hétéroclites, désormais intitulé "Cœur, écologie, démocratie" qui aussi baroque soit-il, pèse potentiellement près de 40 % des voix !

Ce sont donc trois listes qui devront être départagées le 28 juin par notre électeur toujours un peu plus nauséeux : "Montpellier la citoyenne" du maire sortant Philippe Saurel, "Montpellier Unie" réunissant Michaël Delafosse et Coralie Mantion, et "Cœur, écologie, démocratie" précédemment évoquée). Reste à lui conseiller, avant d’aller voter, de bien se munir du produit miracle qui fut pensé et en parti conçu à Montpellier : l’aspirine, cet acide acétylsalicylique qui aide parfois à supporter les cheminements sinueux, tortueux et nébuleux inhérent à la vie politique…

Sébastien Petitot

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