En opposant une fin de non-recevoir aux revendications communautaristes, Emmanuel Macron a préempté le discours de gauche laïque abandonné par une partie de ses défenseurs traditionnels. Un positionnement qui devrait lui rapporter gros, puisque, n’en déplaise à certains, les valeurs républicaines restent majoritairement soutenues par les Français.

Alors que les mobilisations contre les violences policières font la Une de l’actualité, le président de la République était attendu sur le sujet lors de son allocution du 14 juin. La droite espérait une potentielle main tendue aux manifestants pour accuser l’exécutif de laxisme afin de reprendre l’initiative sur un sujet qui lui est cher et qu’Emmanuel Macron s’est approprié depuis la crise des gilets jaunes : l’autorité. De leur côté, une partie de l’extrême gauche et des associations communautaristes attendaient une contrition de la part du chef de l’État pour se voir renforcées.

Universalisme républicain

Dans les deux cas, c’est raté. En deux minutes, le président de la République a repris la main. S’il a affirmé que l’État serait  "intraitable face à toute forme de racisme et de discrimination", il a également déclaré que les personnalités au discours anti républicain qui, se cachant à peine, sont à la manœuvre dans les manifestations n’étaient pas des interlocuteurs dignes de la République. "Le combat antiraciste est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme. Ce combat est inacceptable lorsqu’il est récupéré par des séparatistes." Le message est clair : le collectif Adama Traoré, les Indigènes de la République, les sociologues adeptes des "race studies", les apprentis-sorciers qui s’en prennent au "privilège blanc" ou encore une Unef en roue libre ne sont pas des interlocuteurs pour le chef de l’État.

Certes, ils parviennent à infiltrer certaines universités, certaines associations ou certains cortèges. Ils arrivent à subvertir le cerveau de jeunes conditionnés à penser que la question raciale est centrale en France. Mais qu’ils ne se trompent pas, leurs revendications ne seront même pas écoutées. Car, finalement, qu’attendent ces extrémistes ? Une concession qui en entraîne une autre puis encore une autre. Pour aboutir à une société communautariste dans laquelle la censure, la concurrence mémorielle ou l’appartenance à une race supposée prennent le dessus sur les valeurs laïques et républicaines. Leurs demandes de repentance sont donc refusées : "La République n’effacera aucune trace et aucun nom de son Histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues."

Coup politique

Si, en matière de laïcité et d’esprit républicain, le discours présidentiel est salutaire, il est également fort bien pensé en matière de "politique politicienne". Loin de remettre en cause l’action des forces de l’ordre ou de blâmer certains actes isolés, Emmanuel Macron a estimé que policiers et gendarmes méritaient "le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la Nation". De quoi rassurer la droite.

Hillary Clinton, Benoît Hamon, Jeremy Corbyn prouvent que miser sur le communautarisme ne fait pas gagner les élections

Mais le principal mérite du Président est ailleurs : il incarne désormais le discours de la gauche républicaine, qui malheureusement est en voie de disparition du côté de ses défenseurs traditionnels. Communistes et Insoumis ont clairement choisi leur camp. Désormais, leurs chefs défilent bras dessus bras dessous avec des leaders salafistes lors de manifestations contre une supposée islamophobie d’État, remettent en cause le droit au blasphème (comme l’a prouvé l’affaire Mila), minimisent l’antisémitisme ou sont prêts à certains "accommodements" pour garder des mairies et conquérir un fantasmé "électorat issu de la diversité".

Pourtant, une grande partie de la France de gauche ne se retrouve pas dans de tels discours. Logiquement abandonnée par ses représentants politiques traditionnels (malgré quelques exceptions telles que Yannick Jadot, Laurence Rossignol, Amine El Khatmi et le Printemps Républicain ou le Parti radical de gauche), elle attend une personne capable d’incarner la fermeté face au communautarisme, mais aussi la lutte contre le racisme.

Ce 14 juin, Emmanuel Macron ne s’est pas privé de s’engouffrer dans la brèche. Ce qui, électoralement parlant pourrait lui rapporter gros à moyen terme. Car comme le dit Lénine, qui doit se retourner dans sa tombe en voyant le positionnement de ses héritiers, "les faits sont têtus". Les partis de gauche qui ont fait le choix du communautarisme ont tous reçu des déculottées mémorables aux élections nationales. Ce n’est pas Hillary Clinton, Benoît Hamon ou encore Jeremy Corbyn qui diront le contraire.

Lucas Jakubowicz

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