Le "nouveau chemin" ouvert par le Président de la République dimanche soir, s’il demeure encore fécond de possibles et mystères, recèle nombre d’enseignements sur son exercice du pouvoir, passé, présent et à venir.

Il assume, il esquisse, il esquive aussi. Emmanuel Macron a tenu à démontrer dans son adresse aux Français, dimanche soir, qu’il demeure à la fois le maître des horloges et des décisions passées, présentes et à venir. 

Le Gardien de la Nation rappelle son bilan

En mars, qui a annoncé l'inédit, l'historique, le coûteux confinement en mars, pour protéger les Français ? Qui les a choyés de mesures de protection inédites  (chômage partiel, prêts garantis...) ? c'est lui. En avril, qui a déclenché la préparation rapide, critiquée, du déconfinement pour éviter une bérézina économique et sociale? c'est lui. 

Le jeu sémantique auquel Emmanuel Macron s'est livré ne doit pas tromper : derrière l'usage intempestif du "Nous" (73 "nous" en 19 minutes), c'est bien le « Je » que son discours réhabilite, et valorise légitimement. 

Derrière l'usage intempestif du "Nous", c'est bien le "Je" que son discours réhabilite"

Combinant l’inclusif et l’exclusif, associant citoyens, élus locaux et gouvernement, syndicats et patronat, le Président de la République en dressant un bilan du confinement, a rappelé que cet effort de tous ("Si nous pouvons rouvrir le pays, c’est parce qu’à chaque étape de l'épidémie chacun a pris sa part"), aboutit à cette félicité, au delà des félicitations décernées : "Nous n'avons pas à rougir de notre bilan" : comprenez, lui pas moins qu'un autre.

A travers ce discours, est rappelé la chaîne des responsabilités. La re-présidentialisation de l'image de la gestion de la pandémie lui était nécessaire. Vissé à l'Elysée pour rendre des arbitrages cornéliens chaque jour, nationaux ou européens, il sait que son action fut peu lisible à l’époque, et a pu être occultée par le rôle laissé au Premier Ministre, mis en valeur par une gestion courante remarquable, et valorisé par des annonces...tactiques. 

Ainsi en faisant lui-même dimanche soir, l’annonce des (quasi) ultimes mesures de déconfinement, Emmanuel Macron a repris la main sur un gouvernement, placé en première ligne jusqu'alors, et tracé le cadre et le cap. Le cadre, c'est une promesse forte "nous ne financerons pas (les nouvelles dépenses) en augmentant les impôts". Le cap est économique : "travailler et produire davantage".

L’indépendance par l’Europe

Reste que le président de la République, "alors même que notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples en raison de l’arrêt de l’économie mondiale", ne peut ni ne veut, ni agir seul, ni de la même manière : "Nous devons collectivement faire différemment, et vous l’avez compris (…), je me l’applique d’abord et avant tout à moi-même".

Une contrition qui ne conduit, là non plus, ni à un chemin de croix, ni à un exercice solitaire du pouvoir puisque ce "nouveau chemin" s’ouvrira en compagnie "des Présidents des deux chambres parlementaires et du Conseil économique, social et environnemental » afin que ceux-ci proposent « quelques priorités susceptibles de rassembler le plus grand nombre".

Parmi celles-ci, Emmanuel Macron fixe une priorité : c’est la jeunesse qui sera au premier loge des bénéfices du "plan de relance" car c’est "elle qui porte la dette écologique et budgétaire". Et en faisant du plan "Franco-Allemand " le modèle qui devrait et devra inspirer l’Europe, il assure que "l’indépendance" qu’il a scandé tout au long de son intervention comme un mantra, ne pourra advenir sans une architecture d’actions au niveau européen.

Le "nouveau chemin", social, libéral, écologique.

Plus "solidaire", plus "écologique", le nouveau monde auquel le locataire de l’Élysée nous invite à petites touches se fera également par le biais d’une déconcentration et décentralisation des carcans décisionnels, tant au niveau économique, qu’au niveau politique. Comme "tout ne peut pas être si souvent décidé à Paris", alors place à une cogestion à la française, dont les contours demandent néanmoins à être explicités.

Avec cette articulation à la fois sociale et libérale, Emmanuel Macron, qui claudiquait un peu, veut retrouver le plein usage de sa jambe gauche, sans perdre sa jambe droite. Sa volonté d’inscrire la reconquête économique dans une doctrine écologiste réconciliant "production et climat" est manifeste. De même, il place la reconstruction dans un cadre "social et solidaire". Des annonces historiques, nationale et européennes, sont en préparation pour Juillet, préparées dans un temps record.

Et si le Président de la République, gardien du temps court comme du temps long, nous invite à franchir "le cap de la décennie qui est devant nous", l’homme politique qu’il est devenu sait l’impatience et la tension de la Nation, pour qui l’heure tourne. Pour le Maître des horloges, il est désormais plus que temps.

Sébastien Petitot

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