Les États-Unis sont le nouvel épicentre de l’épidémie de Covid-19 qui touche majoritairement les Noirs américains. Plusieurs raisons sociales expliquent une situation qui pourrait, dans une certaine mesure, concerner la France.

Que cela plaise ou non, les Américains sont friands de statistiques ethniques. Nombre de diplômés, taux de divorce, revenu moyen, habitants d’une zone géographique donnée… Presque toutes les données sociales sont analysées via le "prisme racial". L’épidémie de Coronavirus qui touche 432 000 habitants du pays de l’oncle Sam en date du 9 avril, n’échappe pas à la règle.

Et une donnée statistique saute aux yeux : les Afro-Américains sont les plus touchés. S’ils constituent 12,6% de la population du pays, ils forment la majorité des malades. À Chicago et à la Nouvelle Orléans, ils représentent 30% de la population mais 70% des décès liés au Covid-19. Dans l’Illinois, 42% des morts sont afro-américains alors que le recensement révèle qu’ils ne composent que 14% de la population. Dans l’État de New-York, foyer de la maladie, les autorités n’ont pas dévoilé de statistiques ethniques. Mais le quartier du Bronx, quartier historique des Noirs américains, semble bien plus touché que l’est de l’île de Long Island, fief de la classe moyenne blanche.

Lors de son briefing quotidien du 8 avril, Donald Trump a reconnu cette situation : "Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour relever un énorme défi, celui de fournir un soutien aux citoyens afro-américains, communauté touchée de manière disproportionnée". Comment expliquer cette situation ? Les causes semblent multifactorielles.

Cocktail social

Il est scientifiquement prouvé, à l’échelle mondiale, que les personnes en surpoids sont plus susceptibles d’être hospitalisées si elles souffrent du Covid-19. Pour les États-Unis, pays qui selon l’OMS, compte 39,8% de sa population en situation d’obésité, la situation est préoccupante. Elle l’est plus encore pour les Afro-Américains puisque l’obésité touche 47,8% de la communauté.

Il existe un lien entre obésité et hospitalisation liée au Coronavirus. Or, 47,8% des Afro-Américains sont en situation d'obésité

Plus urbains que la moyenne nationale, ces derniers sont également plus pauvres, malgré une classe moyenne en plein développement. Moins diplômés que le reste de la population, ils sont surreprésentés dans les métiers manuels qui ne peuvent pas s’exercer en télétravail : manutentionnaires, vendeurs, chauffeurs, aide-soignants… Tous sont en première ligne, en contact permanent avec le reste de la population. Vivant dans des logements plus petits que la moyenne, l’application des gestes barrières est, malgré toute la bonne volonté du monde, plus difficile à respecter. Ce qui explique en grande partie la virulence de l’épidémie. Sans compter le système de santé américain qui, en l’absence d’un service public gratuit, prend mieux en charge les plus riches que les plus pauvres. Le cocktail est donc explosif. Et pourrait s’appliquer à d’autres pays, notamment la France…

Et la France ?

Dans l’Hexagone, il est impossible de mener ce type d’étude. L’article 1er de notre Constitution stipule clairement que "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi de tous les citoyens, sans distinction de race ou de religion".

Toutefois, certains chiffres et certaines observations laissent penser que la situation nationale pourrait être, sur certains points, similaire à celle des États-Unis. Le chiffre est officiel : 17% des Franciliens se seraient mis au vert à la campagne. Parmi eux, de nombreux provinciaux ou propriétaires de résidence secondaire. Les cadres restés sur place sont bien souvent en télétravail. Restent les livreurs, caissiers, aide-soignants qui, comme partout dans le monde font tourner le pays. Parmi eux, une surreprésentation de personnes issues de l’immigration, notamment d’Afrique noire. Une population qui réside bien souvent dans les quartiers populaires, dans conditions similaires à celles des États-Unis. De quoi propager le virus et expliquer pourquoi la Seine-Saint-Denis est bien plus touchée que les départements de l’ouest de la France. Heureusement, le système de santé français prend tout le monde en charge sans tenir compte de la couleur de peau. Ce qui permet de juguler l’épidémie. Mais de fermer les yeux sur une situation que nous ne sommes peut-être pas prêts à regarder en face.

Lucas Jakubowicz

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