Les primaires démocrates entrent dans leur dernière ligne droite. Elles prennent la forme d’un duel « gauche droite » entre deux vétérans de la politique américaine, Bernie Sanders et Joe Biden, qui mènent probablement leur dernière bataille. L’ancien vice-président de Barack Obama est en position de force. Ses atouts : parler à tout le monde et rassembler une nation plus fragmentée que jamais.

Partir de haut, tomber très bas, puis remonter. Pour ne plus quitter le sommet ? La campagne de Joe Biden ressemble à une vraie montagne russe. Lorsqu’il déclare sa candidature à la primaire démocrate le 25 avril 2019, tous les voyants sont au vert. Le site RealClear Politics le crédite de 30% des voix au niveau national, loin devant Bernie Sanders. Le vote n’a pas commencé qu’il semble plié : au sénateur du Vermont l’aile gauche, à Joe Biden l’aile droite et centriste, majoritaire au sein de l’opinion publique. La victoire lui semble donc promise.

Le trou d’air

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les choses s’avèrent différentes. Plusieurs autres candidats se positionnent sur le même créneau. Parmi eux, Pete Buttigieg et Amy Klobuchar, moins expérimentés que celui qui fut sénateur du Delaware de 1973 à 2009 puis vice-président de Barack Obama durant deux mandats. Mais, plus jeunes et plus offensifs, ils malmènent Joe Biden sur son âge (77 ans), son usure ou sa posture passéiste. Ses « gaffes » entament également sa crédibilité. Que penser d’un candidat qui se présente comme en lice pour le Sénat et non pour la Maison-Blanche ? Qui confond le président chinois Xi Jinping avec l’un de ses prédécesseurs ? Les attaques de Donald Trump raillant « Joe l’endormi » lui font également du tort.

Les premiers résultats sont cruels pour Joe Biden. Le 3 février, il prend la troisième place dans l’Iowa, loin derrière Pete Buttigieg et Bernie Sanders. La mauvaise passe se poursuit dans le New Hampshire où il se classe cinquième avec 8% des suffrages. Le troisième scrutin, dans le Nevada, sera-t-il le bon ? Pas davantage puisqu’il termine second derrière Bernie Sanders. La primaire de Caroline du Sud du 29 février est celle de la dernière chance. Heureusement, il dispose de deux atouts de poids : le soutien du très influent député Jim Clyburn et sa popularité au sein de l’électorat afro-américain qui pèse 40% des votants démocrates. Suffisant pour lui assurer (enfin) une première place avec la manière : 48% des suffrages.

Le renouveau

Une victoire incontestable qui lui dégage l’horizon. Le lendemain de la primaire dans cet État du Sud, Pete Buttigieg indique qu’il se retire de la course. Tout comme Tom Steyer, autre démocrate modéré qui avait pourtant joué son va-tout en Caroline du Sud, dépensant des millions pour n’obtenir que 11% des voix. Mathématiquement, l’aile centriste est donc enfin réunie.

Mathématiquement, l'aile centriste est enfin réunie

Mais une autre menace se profile pour le vétéran de la politique américaine. Michael Bloomberg s’apprête à entrer dans la course lors du Super Tuesday du 3 mars. Une date clé puisque quatorze États, dont la Californie, désignent leur champion. L’ancien maire de New-York, qui a mis plus de 500 millions de dollars sur la table s’adresse à la même clientèle électorale que Joe Biden. En vain. L’ancien vice-président rafle la mise et Michael Bloomberg ne remporte pas un seul État. Dès le lendemain, il retire sa candidature et appelle ses partisans à rallier Joe Biden dont il reconnaît la « décence », « l’honnêteté » et « l’engagement ». Dans la foulée, Elizabeth Warren renonce elle aussi à la course. Désormais, les choses sont claires chez les démocrates, c’est comme prévu un duel Biden-Sanders qui s’amorce jusqu’au dénouement final du 2 juin prochain avec le vote des derniers États (Montana, New Jersey, Nouveau Mexique, Dakota du Sud et district de Columbia). Et Joe Biden fait plus que jamais figure d’ultra favori.

L’ultra-favori

Plusieurs facteurs laissent à penser qu’il devrait être désigné candidat démocrate lors de la convention de Milwaukee du 13 juillet. Son implantation dans la « rust belt », ces États industriels du nord du pays (Wisconsin, Ohio, Pennsylvanie, Illinois, Indiana…) qui, à chaque élection présidentielle oscillent entre démocrates et républicains. Si Donald Trump a remporté le dernier scrutin c’est, en partie, lié à sa victoire sur Hillary Clinton dans ces zones stratégiques. Selon les estimations récentes, l’actuel locataire de la Maison-Blanche y devancerait Bernie Sanders. Mais pas Joe Biden qui a notamment pour surnom « Middle class Joe ». Suffisant pour faire réfléchir les adeptes du tout sauf Trump ?

Joe Biden est capable de séduire la classe moyenne et les ouvriers perdants de la mondialisation

Autre atout dans la manche de Joe Biden, il reste associé à Barack Obama. De quoi lui permettre d’être en position de force chez les électeurs afro-américains, comme l’ont montré ses éclatantes victoire en Caroline du Sud, dans le Tennessee, l’Alabama ou encore le Michigan. Il a donc une carte à jouer dans les États méridionaux à forte proportion d’électeurs afro-américains : Géorgie, Alabama, Mississipi, Louisiane, Tennessee…

Côté programme, Joe Biden se présente comme un démocrate pragmatique. Loin des promesses de « changements structurels », chers à Elizabeth Warren ou de « révolution politique » célébrée par Bernie Sanders. Pas de hausses d’impôts, pas de revirements en matière de politique étrangère, pas de projet de nationalisation complète de l’assurance santé, ni de gratuité des universités. Rien d’enthousiasmant pour l’aile gauche du parti démocrate. Mais suffisant pour séduire la classe moyenne, les ouvriers blancs victimes de la mondialisation et tentés par un vote républicain ou encore les Afro-Américains. Bref de rassembler. Exactement ce qu’attendent ses compatriotes.

Lucas Jakubowicz

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