Après un début de campagne poussif, l’ancien vice-président redresse peu à peu la barre et s’impose comme le porte-étendard des démocrates modérés. Surtout après les retraits d’Amy Klobuchar, Tom Steyer et Pete Buttigieg.

Partir de haut, tomber très bas, puis remonter. Pour ne plus quitter le sommet ? La campagne de Joe Biden ressemble pour le moment à une vraie montagne russe. Lorsqu’il déclare sa candidature à la primaire démocrate le 25 avril 2019, tous les voyants sont au vert. Le site RealClear Politics le crédite de 30% des voix au niveau national devant Bernie Sanders. Le vote n’a pas commencé qu’il semble plié : Au sénateur du Vermont l’aile gauche, à Joe Biden l’aile droite et centriste, majoritaire au sein de l’opinion publique. La victoire lui semble donc promise.

Le trou d’air

Voilà pour la théorie. Pour la pratique, les choses s’avèrent différentes. Plusieurs autres candidats se positionnent sur le même créneau. Parmi eux, Pete Buttigieg et Amy Klobuchar, certes moins expérimentés que celui qui fut sénateur du Delaware de 1973 à 2009 puis vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017. Mais, plus jeunes et plus offensifs, ils malmènent Joe Biden sur son âge, son usure ou sa posture passéiste. Ses « gaffes » entament également sa crédibilité. Que penser d’un candidat qui se présente comme candidat au Sénat et non à la présidence ? Qui confond le président chinois Xi Jinping avec l’un de ses prédécesseurs ? Les attaques de Donald Trump raillant « Joe l’endormi » lui font également du tort.

Les premiers résultats sont cruels pour Joe Biden. Le 3 février, il prend la troisième place dans l’Iowa loin derrière Pete Buttigieg et Bernie Sanders. La mauvaise passe se poursuit dans le New Hampshire où il se classe cinquième avec 8% des suffrages. Le troisième scrutin, dans le Nevada, sera-t-il le bon ? Que nenni puisqu’il se termine second derrière Bernie Sanders. La primaire de Caroline du Sud du 29 février est celle de la dernière chance. Heureusement, contrairement aux précédents États, il dispose de deux atouts de poids : le soutien du très influent député Jim Clyburn et sa popularité au sein de l’électorat afro-américain qui pèse 40% des votants démocrates. Suffisant pour lui assurer (enfin) une première place avec la manière. Avec 48% des suffrages, sa victoire est incontestable.

Le renouveau

Surtout, elle lui dégage considérablement l’horizon. Le lendemain de la primaire dans cet État du Sud, Pete Buttigieg, révélation de la primaire, a indiqué qu’il se retirait de la course. Tout comme Tom Steyer, autre démocrate modéré qui avait pourtant joué son va-tout en Caroline du Sud, dépensant des millions pour seulement 11% des voix. Mathématiquement, l’aile gauche du parti démocrate est donc divisée entre les partisans de Bernie Sanders et d’Elizabeth Warren. Joe Biden, quant à lui, pourrait réunir sous sa bannière les électeurs de Pete Buttigieg, Tom Steyer et Amy Klobuchar qui, pour sa part, a renoncé le 2 mars en appelant ouvertement à soutenir Joe Biden.

Joe Biden peut tirer profit des retraits de Pete Buttigieg, Tom Steyer et Amy Klobuchar

La lutte semble donc prendre le chemin d’une lutte à deux, voire à trois puisque Michael Bloomberg s’apprête à entrer en lice lors du Super Tuesday. De quoi (encore une fois) faire repartir Joe Biden à la baisse ? Pas forcément…

Le favori ?

Si dans les deux plus grands États appelés à se prononcer lors du Super Tuesday, la Californie et le Texas, Bernie Sanders fait la course en tête avec respectivement 35% et 29% des voix, Joe Biden est en seconde position devant l’ancien maire de New York. De quoi attirer vers lui la majorité des démocrates modérés au détriment de Michael Bloomberg ? Difficile de se prononcer.

Autre atout dans la manche de Joe Biden, son implantation dans la « rust belt », ces États industriels du nord du pays (Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie, Illinois, Indiana…) qui oscillent entre démocrates et républicains. Si Donald Trump a remporté l’élection c’est, en partie, lié à sa victoire sur Hillary Clinton dans ces zones stratégiques. Selon les estimations actuelles, l’actuel locataire de la Maison-Blanche y écraserait Bernie Sanders. Mais pas Joe Biden qui a notamment pour surnom « Middle class Joe ». Suffisant pour faire réfléchir les adeptes du tout sauf Trump ?

Enfin, Joe Biden reste associé au bilan de Barack Obama. De quoi lui permettre d’être en position de force chez les électeurs afro-américains, comme l’a montré sa victoire en Caroline du Sud. Il a donc une carte à jouer dans les États méridionaux à forte proportion d’électeurs afro-américains : Géorgie, Alabama, Mississipi, Louisiane, Tennessee…

« Obama blanc »

Côté programme, Joe Biden se présente comme le successeur d’Obama, soit un démocrate pragmatique. Loin des promesses de « changements structurels », chers à Elizabeth Warren ou de « révolution politique » célébrée par Bernie Sanders. Pas de hausses d’impôts, pas de revirements en matière de politique étrangère, pas de projet de nationalisation complète de l’assurance santé, ni de gratuité des universités. Pas de quoi enthousiasmer l’aile gauche du parti démocrate. Mais les adeptes du « c’était mieux avant Trump » peuvent être rassurés. Et ces derniers sont nombreux. Reste à voir s’ils se mobiliseront.

Super Tuesday : mission accomplie

Le résultat du Super Tuesday a montré que la stratégie de Joe Biden était la bonne. Si Bernie Sanders peut se targuer d'une victoire en Californie, le plus important en nombre de délégués, l'ancien vice-président de Barack Obama l'emporte dans les Etats suivants : Texas, Oklahoma, Arkansas, Alabama, Tennessee, Massachussets, Caroline du Nord, Virginie. Après un début de campagne poussif, la locomotive Biden serait-elle instoppable ? Elle compte pour le moment 453 délégués contre 382 pour Bernie Sanders ? 

* Le 4 mars, dans un communiqué, Michael Bloomberg a annoncé qu'il se retirait de la course pour rallier Joe Biden.

Lucas Jakubowicz

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