La présidente de la région Ile-de-France a pris son parti de court en annonçant qu’elle quittait LR le 5 juin au soir. Ce qui pourrait bouleverser tout l'échiquier politique.

La vie politique est toujours pleine de surprises. Le mardi 4 juin, Valérie Pécresse, présidente LR de la région Ile-de-France participait à une réunion de famille autour du président du Sénat Gérard Larcher qu’elle qualifiait de « figure morale » autour de laquelle « se rassembler ».

Pourtant, le lendemain, au 20 heures de France 2, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy a annoncé qu’elle démissionnait de LR. La caution modérée de la droite a notamment déclaré que son parti était,  « cadenassé de l’intérieur, dans son organisation mais aussi dans ses idées ». Selon elle, « la refondation de la droite ne pourra pas se faire à l’intérieur », elle doit « se faire à l’extérieur du parti ». Face à Anne-Sophie Lapix, elle a déploré que la proposition de changement de ligne qu’elle défendait depuis plusieurs années ne trouvait aucun écho. Elle en tire la conclusion suivante : « Je pense qu’aujourd’hui ce n’est plus possible dans le parti. Tous ceux qui sont aux responsabilités dans le parti y compris les parlementaires, ne souhaitent pas ouvrir une réflexion sur la France d’aujourd’hui ».

Valérie Pécresse entraîne dans son sillage plusieurs représentants de la droite modérée : Maël de Calan et Florence Portelli, concurrents de Laurent Wauquiez lors de la campagne pour la présidence de LR. Robin Reda, député de l’Essonne et Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses ont également annoncé suivre Valérie Pécresse qui devrait transformer son mouvement Libres en parti plus structuré. Ce départ pose plusieurs questions qui concernent tout l’échiquier politique.

Une bonne affaire pour Emmanuel Macron ?

Affaiblir un adversaire politique est souvent positif. À première vue, les marcheurs peuvent se frotter les mains d’assister à une telle zizanie dans les rangs de LR. Après avoir siphonné une partie de la droite modérée aux élections européennes, LREM et ses supplétifs Constructifs voient en direct ce qui reste de la droite modérée et libérale se détacher de son vaisseau amiral. À terme, les électeurs attachés à cette sensibilité politique pourraient être encore davantage attirés par le macronisme. Une bonne affaire ? Pas forcément.

Emmanuel Macron a bâti son succès sur le « ni droite ni gauche » et sur l’art du « en même temps ». Or, le socle macroniste commence à basculer vers le centre-droit. L’affaiblissement de LR pourrait accentuer cette tendance pour les années à venir. La majorité devrait donc très vite donner des gages à son aile gauche pour éviter de se transformer en nouvelle UDF, le parti centriste fondé par Valéry Giscard d’Estaing.

Effet papillon : les écolos grands gagnants ?

Mais à qui s’adresser à gauche ? Le PS est dans un état de décomposition encore plus avancé que LR. Et les socialistes « macron-compatibles » ont tous quitté le navire. La solution pourrait se trouver du côté d’Europe Écologie Les Verts. Cela tombe bien, leurs dirigeants actuels, notamment Yannick Jadot et David Cormand, ne s’en cachent pas : ils souhaitent s’inspirer du modèle allemand. Les Grünen d’outre-Rhin ont depuis longtemps quitté leur ligne gauchiste et ne rechignent pas à s’allier avec des partenaires plus à droite. Pour Emmanuel Macron, il est donc stratégique de séduire EELV et son électorat jeune et plutôt classé à gauche… Il est probable que le discours présidentiel se verdisse de plus en plus.

Agir Les Constructifs court-circuités ?

Dégagée de tout engagement avec LR, Valérie Pécresse devrait se consacrer au développement de Libres. Un mouvement qui compte attirer une partie de la droite modérée. Mais ce créneau est déjà occupé par Agir Les Constructifs. Le parti dirigé par le ministre de la Culture Franck Riester avait, dès le lendemain des élections européennes, lancé un appel aux élus de droite pour rallier la « droite macroniste ». L’initiative de Valérie Pécresse pourrait couper l’herbe sous le pied d’Agir Les Constructifs. Le positionnement politique des deux mouvements semble similaire. Or, en politique, il n’y a pas de place pour deux crocodiles dans le même marigot…

"Le départ de Valérie Pécresse pourrait couper l'herbe sous le pied des Constructifs"

LR définitivement cornerisé ?

Bien évidemment, le grand perdant de cette séquence est LR. Le parti affaibli comme jamais après son 8,48% aux élections européennes comptait sur un rassemblement de toutes les tendances pour redresser la barre. Après s’être débarrassé de Laurent Wauquiez jugé trop clivant, le parti néo-gaulliste comptait changer. Pour cela, le président du Sénat Gérard Larcher a pris ses responsabilités en tâchant de réconcilier toutes les tendances du parti pour sauver les meubles lors des municipales de 2020.

Une initiative tardive. Et inefficace puisque le départ de Valérie Pécresse pourrait donner le signal d’un exode d’élus parfois opportunistes, parfois profondément révoltés par la dérive identitaire et droitière. Ce qui enfermerait davantage ce parti historique dans une niche électorale de plus en plus réduite :  classes populaires, aile libérale, jeunes quittent peu à peu le navire. Qui pourrait devenir une simple barque.

Lucas Jakubowicz

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