Compagnons de lutte, Priscillia Ludosky et Éric Drouet ont officialisé leurs désaccords. Une péripétie a priori anodine qui pourrait avoir des répercussions sur le mouvement des Gilets jaunes.

Si l’union fait la force, alors les gilets jaunes sont affaiblis. Le 14 janvier, Priscillia Ludosky, initiatrice de la pétition contre la hausse sur le prix du carburant, a annoncé dans un message Facebook (effacé depuis) qu’elle se désolidarisait d’Éric Drouet. Une rupture, tant ce duo médiatique s’est depuis cet automne imposé comme une figure de proue des « durs » du mouvement. Tous deux originaires de Seine-et-Marne, appartenant à la même génération, les deux personnalités ont dès le début mené des actions communes : au point d’être reçus ensemble le 28 novembre par François de Rugy, ministre de l’Environnement.

Cette scission était attendue. Ces dernières semaines les deux égéries tenaient des propos divergents. Pendant que Drouet mettait en scène son arrestation, Ludosky affirmait ses priorités : lutte pour le pouvoir d’achat dans le respect du droit et des institutions républicaines.

Clash sur Facebook

C’est un évènement a priori anodin qui a causé la rupture. Priscillia Ludsky gère la page « La France en colère » à l’origine d’une manifestation à Bourges le 12 janvier. Éric Drouet qui n’a pas appelé à se rendre dans la préfecture du Cher lui a demandé de changer le nom de sa page, trop proche de la sienne « la France en colère !!! ».

Refus de Ludosky qui a en a profité pour expliquer que Drouet « menace les membres du groupe de travail dont je fais partie ». Elle estime qu’elle et d’autres militants « subissent depuis des semaines son comportement. Nous recevons des menaces. Aujourd’hui, je suis personnellement attaquée, et ça je ne l’accepte pas ». Pire encore, elle promet de mettre à disposition du grand public.  

Visiblement pris de court par l’annonce, Éric Drouet a riposté en deux temps. Dans l’heure, qui a suivi le post de Priscillia Ludosky, il a déclaré qu’il s’agissait d’un faux. Avant de se rétracter, de justifier la rupture et de jouer l’apaisement. Dans une vidéo postée sur Facebook le 14 décembre au soir, il a déclaré : « Des tensions, je n’en veux pas. Si un gilet jaune n’est pas pour moi, on s’en fout. Le principal est que l’on soit tous dans la rue pour les Gilets jaunes ».

Des radicaux isolés

Cet échange est plus important qu’une simple querelle de personnes. Plusieurs enseignements peuvent être tirés. Depuis les premiers actes des manifestations, les Gilets jaunes radicaux donnent l’impression de parler d’une seule voix, d’être organisés de manière quasi professionnelle. Ce qui a notamment fait dire à Cédric Cauchy, figure des gilets jaunes modérés, que les radicaux étaient « manipulés, aidés par des professionnels de la politique. Éric Drouet et ses lieutenants sont des pros écoutés de leur base. Unis, ils tiennent le mouvement ». C’est désormais fini.

Autrefois constitués de deux blocs cohérents : modérés et radicaux, les gilets jaunes de toute obédience se laissent peu à peu contaminer par des querelles et des initiatives personnelles. Jacline Mouraud a lancé son mouvement, d’autres prônent l’entrisme dans les partis de droite, Une minorité assume la violence et soutient les « casseurs de flics ».

Repliés sur eux-mêmes, lâchés par les plus pacifiques, ignorés par le gouvernement, de plus en plus impopulaires aux yeux de l’opinion publique, les partisans d’Éric Drouet pourraient à court-terme être tentés par une fuite en avant : plus de violences, plus de propos anti-républicains. Ce qui pourrait arranger l’exécutif qui est de plus en plus légitime à siffler « la fin du match ».

Lucas Jakubowicz (@lucas_jaku)

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