Pour le président de la CFTC, l’exécutif dialogue de manière particulière avec les syndicats. Une méthode qui permet des avancées. Même si beaucoup reste à faire.

En un peu plus d’un an, l’exécutif a réformé le code du travail, la formation, l’apprentissage et l’assurance chômage en se targuant d’avoir pris le temps de dialoguer avec les partenaires sociaux. Avez-vous le sentiment d’avoir été entendu ?

Oui. Je trouve que, globalement, l’exécutif est dans une posture d’écoute. Si l’on se penche sur les projets initiaux et la fin des discussions, je constate que les syndicats sont capables de faire entendre leur voix. Concernant la réforme du code du travail par ordonnances, le gouvernement envisageait de diminuer le dialogue social dans les branches pour le recentrer sur les entreprises. La CFTC et les autres syndicats ont pointé les risques de dumping ou de concurrence déloyale. Nous avons été entendus.

Vous êtes à la tête de la CFTC depuis 2008, vous avez négocié avec plusieurs gouvernements. Quelles sont les particularités de l’actuel ?

Le gouvernement Philippe a une originalité : il annonce d’emblée que des points ne seront pas négociables. Traditionnellement, les représentants de l’exécutif fixaient entre eux des sujets sur lesquels ne pas transiger… Mais ils gardaient cela pour eux. C’est fini.

Ce gouvernement est abrupt mais franc. Le dialogue est mené tambour battant, sans répit. On ne peut lui reprocher de faire traîner les choses. Je conçois donc que certains syndicats aient ressenti un manque d’écoute.

La méthode de travail permet d’éviter les faux semblants et de se concentrer sur l’utile. Je remarque tout de même que sur les sujets soi-disant indiscutables, il est possible de changer les choses à la marge. Nous savions qu’Emmanuel Macron serait intraitable sur le barème des indemnités prud’homales. Mais nous avons réussi à redonner le pouvoir au juge en cas de harcèlement moral ou sexuel.

Le député LREM du Val-d’Oise Aurélien Taché a proposé de mettre en place une dégressivité des allocations chômage. Qu’en pensez-vous ?

À mon avis ce député part d’un cliché simpliste. Les cadres ne connaissent pas le chômage et ceux qui n’ont pas de travail profitent d’allocations confortables. Aurélien Taché ne doit pas connaître la réalité du marché de l’emploi. Je pense qu’il a tenu de tels propos pour faire parler de lui et générer du buzz. Espérons que ce soit seulement un effet de communication….

Pour la CFTC, la dégressivité des allocations chômage pour les cadres est une ligne rouge

Pourtant, Muriel Pénicaud a déclaré que ce n’était pas un sujet tabou…

Pour nous, si. La CFTC ne discutera pas de cette question. Les cadres au chômage sont bien souvent des séniors. Ils souffrent de discrimination liée à leur âge. Raboter leurs allocations constitue la double peine. Plus généralement, avec ce système, tous les cadres seront parfois contraints d’accepter des postes pour lesquels ils sont surdimensionnés. Ce qui peut ralentir leur carrière et engendrer des conséquences néfastes dans leur vie personnelle. Sans compter qu’ils prendront les postes de travailleurs moins diplômées qui subiront donc le contre-coup de la mesure. Je remarque qu’une fois encore, la majorité envisage une mesure qui sanctionne les retraités. Ça devient répétitif.

Pour vous, le gouvernement est anti-retraités ?

Il connaît très mal la réalité des retraités. Hausse de la CSG, moindre revalorisation des retraites… C’est presque de l’acharnement. Ils ne comprennent pas que si l’on enlève une dizaine d’euros à un retraité c’est beaucoup, surtout pour les plus modestes. Nos séniors n’ont pas à s’appauvrir et ne doivent pas travailler à côté pour boucler leur fin de mois. Ce qui risque de se passer. Vous imaginez une France où un retraité qui a cotisé toute sa vie active se retrouve condamné aux petits boulots ?

Lucas Jakubowicz (lucas_jaku)

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