Que faudra-t-il retenir des six premiers mois du quinquennat d’Emmanuel Macron ? Des réformes controversées mais néanmoins adoptées, un renouvellement indubitable de la classe politique et quelques phrases chocs. Un bilan « positif » à certains égards et mitigé à d’autres, selon le politologue Pascal Perrineau.

Décideurs. La faible mobilisation sociale autour de certaines réformes, comme celle du travail, est-elle un succès pour Emmanuel Macron ?

Pascale Perrineau*. Tout à fait. L’opposition a échoué à s’imposer aussi bien sur le plan politique qu’au niveau de la mobilisation. Les appels à manifester de Jean-Luc Mélenchon se sont soldés par des échecs. Il l’a lui-même reconnu. Sur des sujets sensibles qui étaient, il y a quelques mois encore, difficilement réformables, comme le travail ou l’Université, Emmanuel Macron parvient à avancer sans créer de blocage. C’est plutôt positif.

La France serait donc réformable ?

Des signes de déblocages sont effectivement notables. Sur le terrain social, économique, fiscal, mais également éducatif, le mouvement réformiste est à nouveau en état de marche. Cela suppose un travail de concertation en amont, comme le gouvernement l’a entrepris pour la réforme du travail. Ça n’a pas été le cas, par exemple, pour la réforme des collectivité territoriales. On voit bien que ce genre de situation conduit à des déceptions et crée du conflit. Il faut par ailleurs accompagner la réforme, la populariser en aval, après son adoption. Or, l’équipe d’Emmanuel Macron est restreinte et peine encore à assurer le service après-vente.

« Sur le terrain social, économique, fiscal, mais également éducatif, le mouvement réformiste est à nouveau en état de marche. »

Peut-on dire qu’il n’existe pas de réelle opposition face à la majorité ?

Emmanuel Macron a tellement désorganisé le dispositif de la gauche d’abord, puis de la droite ensuite, qu’il n’y a effectivement plus de véritable opposition. Une situation qui favorise inévitablement un bilan positifpour la majorité. Il n’existe plus ni un parti ni un homme ou une femme politique capable d’être au cœur de l’opposition. La force actuelle du Président résulte en partie de la faiblesse et de la division de ses adversaires. 

« Il est à l’avant-garde de toute les réformes, et peut devenir l’objet de tous les refus. »

Cela présente-t-il un danger pour la démocratie ?

Emmanuel Macron est venu donner le coup de grâce aux partis traditionnels, qui étaient déjà dans une situation catastrophique. La démocratie est épuisée par la vieille forme partisane et recherche un nouvel élan. Il faut que les partis se renouvellent aussi bien dans leur forme que dans leurs idées. C’est déjà le cas avec La République en marche et la France insoumise, qui renouvellent d’ores et déjà les codes de la politique, c’est bon pour la démocratie.

« Emmanuel Macron doit faire attention à moins apparaître comme un homme seul»

Un premier bilan plutôt positif. La cote de popularité d’Emmanuel Macron est néanmoins en berne…

Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a connu une érosion de sa cote de popularité. Depuis un à deux mois, cette chute dans l’opinion s’est néanmoins stabilisée. De récents sondages montrent même que sa popularité progresse à nouveau, ce qui n’avait pas été le cas pour François Hollande.

Que doit-il faire pour conserver cette progression ?

Quand on gouverne, on ne peut pas être aussi exposé qu’il l’est actuellement. Emmanuel Macron doit faire attention à moins apparaître comme un homme seul. Il est à l’avant-garde de toute les réformes et peut par conséquent devenir l’objet de tous les refus. Il a intérêt à introduire davantage de collectif, à faire émerger des poids lourds, à s’entourer de personnalités. On ne gouverne pas de manière durable par un exercice solitaire du pouvoir.

* Le vote disruptif : Les élections présidentielles et législatives de 2017, sous la direction de Pascal Perrineau, Édition Presses de Sciences Po, 448 pages, 24,92 euros.

Propos recueillis par @CapucineCoquand

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