Dans le cadre de son rapport annuel publié le 9 novembre dernier, le Secours catholique dénonce les préjugés à l’égard des Français les plus démunis, régulièrement taxés de « profiteurs », de « fainéants » ou encore d’« incapables ». Mise au point.

Décideurs. Quel est l’objectif de ce rapport ?

Laurent Seux. Grâce à notre système de collecte de fiches, nous disposons d’informations précises nous permettant d’analyser l’évolution de la pauvreté en France. Cette année, nous avons décidé de travailler de façon spécifique sur la question des préjugés et de la cohésion sociale. Nous constatons que, même si les Français sont solidaires, les préjugés négatifs à l’égard des personnes en situation de précarité sont de plus en plus nombreux.

Avez-vous des exemples concrets ?

Lorsque nous interrogeons les Français pour savoir quelles sont, selon eux, les causes de la pauvreté, ils répondent généralement :  le chômage, le coût de la vie, la précarité des emplois... Ils considèrent néanmoins que le premier moyen pour lutter contre la précarité consiste à traquer la fraude sociale. Or, celle-ci ne représente que 170 millions d’euros. Une somme non négligeable, mais néanmoins très faible lorsqu’on la compare à l’évitement fiscal qui représente 60 à 80 milliards d’euros.

« Les personnes en situation de pauvreté sont dans un état de mésestime d’elles-mêmes» 

Il y a donc un décalage entre la perception de l’opinion et la réalité ?

Tout à fait. Le bénéfice tiré de la lutte contre la fraude sociale est très faible. Les personnes en situation de pauvreté sont dans un état de mésestime d’elles-mêmes, elles ont un sentiment de honte. Faire croire qu’on peut lutter contre la pauvreté en traquant la fraude sociale est faux, mensonger et destructeur de cohésion sociale.

Votre rapport révèle une précarisation des familles avec enfants…

Elles constituent le public majoritaire du Secours catholique (30 %). Un constat alarmant. Sur 1, 4 million de personnes que nous accueillons, près de 700 000 sont des mineurs, soit la moitié.

« Nous pensons qu’il devrait y avoir, une sorte de pacte, d’alliance au sein de la société pour lutter contre la pauvreté dans son ensemble.»

Vous dénoncez aussi le manque d’accès à la formation.

Seul 1 % des personnes rencontrées au Secours catholique accède à la formation. Le chômage de longue durée atteint aujourd’hui un niveau historique en France. Le gouvernement a annoncé certaines mesures ainsi qu’une concertation. Nous espérons qu’il sera à la hauteur de la situation. Au-delà d’une concertation, nous pensons qu’il devrait y avoir, comme cela existe pour le climat, une sorte de pacte, d’alliance au sein de la société pour lutter contre la pauvreté dans son ensemble.

Qui dit baisse du chômage ne dit pas forcément baisse de la pauvreté…

Nous recevons un grand nombre de travailleurs pauvres. Il faut bien garder en tête qu’effectivement, une baisse du chômage ne se traduit pas forcément par une baisse du taux de pauvreté. Nous devons rester attentifs. Le niveau d’individus en situation de précarité est stabilisé depuis plusieurs années à 14 %, soit 9 millions de personnes. On ne peut pas s’habituer à ce chiffre.

 

Propos recueillis par @CapucineCoquand

 

Quelques chiffres :

62, 5 % des personnes accueillies par le Secours catholique ne sont pas au chômage.

40 % d’entre elles ont droit au RSA mais n’en font pas la demande.

548 euros : revenu médian des ménages rencontrés par le Secours catholique.

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