Si, pour la présidente du mouvement des entreprises à taille humaine, indépendantes et de croissance (Ethic), la série d’ordonnances visant à réformer le marché du travail marque une avancée notable, celle-ci n’engage pas pour autant « la révolution dont le pays a besoin ».

Êtes-vous satisfaite par la réforme du droit du travail proposé par le gouvernement ?

Sophie de Menthon. Ce qui nous a été annoncé est bien. Mais ce n’est pas encore suffisant pour que je puisse me réjouir, car cette réforme n’entrainera pas la révolution dont nous avons besoin. Je reste dans l’expectative. Je sais que le diable est dans les détails. Je reste méfiante. Ces mesures doivent s’accompagner d’un changement profond de comportement sur le terrain. Mais je crois à la volonté du gouvernement de réformer ce qui ne l’a jamais été.

Que manque-t-il à ces mesures selon vous ?

Je pensais que nous allions avoir des mesures plus concrètes. Nous, chefs d’entreprises, voulions que les mesures soient notamment accompagnées de consignes aux administrations, car ce sont elles qui nous contrôlent et nous jugent. Comment vont-elles se comporter ? Quelles sera la nature des contrôles ? comment les agents seront-ils formés ? … Des questions pour l’instant sans réponse.

Partagez-vous le regret exprimé par certains concernant la place accordée aux branches dans ce nouveau dialogue social ?

Oui. C’est encore une fois une nouvelle forme d’encadrement. Je suis sceptique. Le dialogue doit s’exprimer au niveau de l’entreprise. Nous parlons de confiance. Je pense qu’il est justement temps de faire confiance à l’entreprise.

« Je pense qu’il faut globalement plus d’intelligence participative dans toutes les entreprises, y compris les PME. »

Certaines mesures seront utiles pour les entrepreneurs, comme la numérisation du code du travail. Qu’en pensez-vous ?

Numériser le code du travail, ça ne signifie pas le simplifier. Cette mesure est un progrès non pas pour l’entreprise mais pour l’administration.

Que pensez-vous de la négociation rendue accessible pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés ?

J’y suis favorable. Je pense qu’il faut globalement plus d’intelligence participative dans toutes les entreprises, y compris les PME. Mais nous n’avons pas attendu la réforme pour discuter. Il existe peut-être quelques patrons autoritaires, mais dans la plupart des petites entreprises, tout bon manager demande l’avis de ses salariés et prend en compte leurs idées. C’est comme ça que fonctionnent les PME. On négocie, on se met d’accord.

« Le gouvernement mise sur l’entreprise et c’est une bonne chose. Nous attendons qu’il modernise aussi l’administration. »

Quel est votre opinion sur l’augmentation de 25 % des indemnités légales de licenciement et du délai de recours aux prud’hommes qui passe, avec la réforme, de deux ans à un an ?

Il est vrai que nos salariés ne percevaient pas assez d’indemnités en cas de licenciement. Nous étions d’ailleurs en dessous de l’échelle européenne. Pour ce qui est du délai de recours aux prud’hommes, je le trouve encore trop long. Je pense que six mois sont suffisants. Reste à savoir comment se comporteront les conseillers prud’homaux. Pour qu’une harmonisation soit réellement mise en place, il faudrait que tous les cas soient jugés de la même façon. Pour l’instant, les affaires sont traitées au cas par cas. Les salariés y sont systématiquement gagnants. Pourquoi du jour au lendemain, les prud’hommes deviendraient impartiaux ? Cette réforme ne pourra pas être un succès si elle ne s’accompagne pas d’un changement des comportements de tous les acteurs : chefs d’entreprises, inspecteurs du travail, conseillers prud’homaux, médecin du travail. etc.

L’administration doit donc elle aussi évoluer ?

C’est essentiel. Le gouvernement mise sur l’entreprise et c’est une bonne chose. Nous attendons qu’il modernise aussi l’administration. J’ai d’ailleurs proposé au ministre de l’Action et des Comptes public, Gérald Darmanin, de prendre en stage des membres du Trésor et de Bercy pour leur expliquer comment fonctionne une PME. Il a accepté. Je crois qu’il est véritablement décidé à diriger son administration comme il se doit.

Vous représentez aussi les grandes entreprises. Ne sont-elles pas déçues par cette réforme qui s’adresse surtout aux TPE/PME ?

Non, car ce qui est bon pour une petite entreprise l’est aussi pour une grande. Ces dernières ne rencontrent pas les mêmes « petits problèmes du quotidien », puisqu’elles disposent de services RH performants.

 

Propos recueillis par @CapucineCoquand

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