En s’inscrivant dans la durée, les entreprises familiales offrent à leurs dirigeants le bien le plus cher : du temps. Combinée à une chaîne de décision courte, cette vision de long terme leur donne un avantage précieux. Pour concilier les deux, elles doivent savoir préparer leur transmission et organiser leur gouvernance

Contrairement aux autres sociétés, les entreprises familiales peuvent raisonner sur plusieurs générations et non sur quelques mois. Leurs stratégies de développement, leur gestion des hommes et leur politique de financement s’inscrivent donc dans la durée. Pour autant, elles savent aussi se montrer agiles. Avec des chaînes de gouvernance courtes, composées de quelques membres de la famille, parfois d’administrateurs externes ou de salariés, les processus de décision sont également plus efficaces. « L’entreprise familiale a pour avantage d’avoir une bonne articulation entre la vision à long terme et l’engagement opérationnel quotidien », insiste Olivier Pelleau, managing partner de Turningpoint, cabinet spécialisé dans le développement du leadership. Ce rapport au temps leur permet également de mieux préparer le changement.

Charte famlliale

Pour réussir à bien gérer ces deux temporalités, l’entreprise familiale doit concilier les intérêts de l’actionnariat et de la direction opérationnelle. À partir de la troisième génération, réussir cette équation peut s’avérer un véritable casse-tête. Les tensions au sein d’une famille peuvent alors affecter les performances de la société. Peugeot est passé au bord de la faillite pour cette raison. « À ce stade, une charte familiale devient indispensable. Elle permet d’établir un cadre clair et connu de tous. Par exemple de préciser quelles sont les conditions pour qu’un membre de la famille travaille dans la société ou comment sont fixés les dividendes », explique Patrice Charlier, maître de conférences à l’EM Strasbourg Business School et responsable de la chaire Gouvernance et transmission d’entreprises. La mise en place d’un conseil d’administration indépendant est également une garantie de pérennité car elle apporte un juge de paix.

Mais pour assurer cette longévité, les entreprises familiales doivent réussir le passage de flambeau à la génération suivante. Or, avec un taux de transmission de seulement 14 %, les sociétés françaises font figure de parents pauvres au niveau international. Pour comparaison, l’Italie, avec 70 %, et l’Allemagne, avec 51 %, arrivent en tête des pays européens. L’une des principales explications de cet écart tient à une fiscalité lourde en dépit de la mise en place du pacte Dutreil.

Légitimité

La mise en place et le timing de la succession sont également des sujets sensibles. La génération suivante peut être impatiente et souhaiter prendre ses responsabilités. Il y a un vrai enjeu sur le moment de la transmission : ni trop tôt, ni trop tard. En général, c’est souvent très tard car cela demande de la part du fondateur un effort pour préparer sa succession assez tôt en identifiant et en formant son successeur. « Le critère de réussite d’une transmission n’est pas qu’un critère de compétence, c’est aussi un enjeu de légitimité », résume Olivier Pelleau. La question de la succession pose aussi celle de la qualité du management au sein des entreprises familiales. Les meilleurs managers peuvent être freinés pour travailler dans ces entreprises du fait de l’existence d’un plafond de verre familial qui existe. Il faudra parfois choisir entre la famille et la société…

V. P.

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