C’est un homme de droite, ancien avocat et fidèle d’Alain Juppé qu’Emmanuel Macron a nommé à Matignon le 15 mai dernier. Un choix aussi stratégique qu’audacieux qui ne fait pas l’unanimité. Décryptage.

Onze secondes ont suffi au nouveau secrétaire général de l’Élysée pour mettre fin au suspense. C’est bien Édouard Philippe, le maire du Havre de 45 ans étiqueté LR, qui a été choisi par Emmanuel Macron pour piloter le premier gouvernement de son quinquennat. Un choix judicieux ? Peut-être. Unanimement reconnu pour sa force de travail, sa culture et son « sens de l’État », Édouard Philippe semble avoir les compétences requises pour la fonction. Inconnu du grand public il y a encore quelques semaines, ce boxeur amateur incarne par ailleurs le renouveau promis par Emmanuel Macron. Mais c’est aussi et surtout un choix stratégique.

Dès le soir de la nomination d’Édouard Philippe, la droite républicaine est divisée, la gauche modérée, anesthésiée.

En nommant un premier ministre en dehors de son propre parti, le plus jeune président de la Ve République confirme son intention de casser les codes, mélanger les genres, bouleverser les partis traditionnels. Et ça marche. Dès le soir de la nomination d’Édouard Philippe, la droite républicaine est divisée, la gauche modérée, anesthésiée.

 

« Triste époque »

 

Si le choix est audacieux, il n’en est pas moins risqué pour Emmanuel Macron. Car le juppéiste et ancien directeur général de l’UMP est loin de faire l’unanimité. Certains, d’abord, lui reprochent son manque de sensibilité écologique. En cause : son vote contre les lois pour la transition énergétique et la biodiversité en 2015 et son passé de directeur de la communication et des affaires publiques chez Areva. « Il a défendu les actions d’une entreprise qui, au Niger, a pollué irréversiblement les territoires des peuples autochtones », affirme le réseau « Sortir du nucléaire » dans un communiqué, le 15 mai. D’autres désapprouvent son opacité. En 2014, l’homme aurait, selon Mediapart, écopé d’un blâme de la Haute Autorité pour la transparence à la suite de sa déclaration de patrimoine. Un an plus tôt, le député s’était opposé à la loi pour la transparence de la vie publique proposée par le gouvernement Ayrault. « Après les déclarations, les vérifications…Suivront bientôt les dénonciations… Et ensuite… Triste époque », twittait à ce sujet Edouard Philippe le 16 avril 2013. 

 

Revirement

 

Le maire du Havre aurait-il changé d’avis depuis ? Sûrement. Car il le sait : la moralisation de la vie publique est l’une des priorités du Président Macron. Et ce n’est pas le seul revirement opéré par cet ancien rocardien ces dernières années. Il y a deux ans, alors qu’Alain Juppé était donné favori pour remporter la présidentielle, certains voyaient déjà le maire du Havre à Matignon. « Cela ne m’intéresse pas », avait à l’époque répondu le député.

l’homme ne s’est pas toujours montré très complaisant à l’égard Emmanuel Macron

En outre, l’homme ne s’est pas toujours montré très complaisant à l’égard Emmanuel Macron. Dans une tribune publiée par Libération en janvier dernier, il ne cache pas ses doutes : « De quoi restera-t-il le nom ? D’une révolution manquée ou d’une victoire éclair ? D’une trahison misérable ou d’une ambition démesurée ? Personne ne peut le dire aujourd’hui. »  

 

Nouvelle génération politique

 

Peu importe. Édouard Philippe semble aujourd’hui bel et bien en marche derrière le Président. « La situation est suffisamment unique pour tenter quelque chose de totalement nouveau », explique-t-il au JT de TF1 au soir de sa nomination. À 45 ans, l’ancien directeur général de l’UMP pourrait devenir la figure de proue du grand chamboulement voulu par Emmanuel Macron. « Édouard incarne à lui seul une nouvelle génération politique (…), celle des entrepreneurs de la politique, dont l’habileté n’a pas écrasé la créativité », écrivait en 2016 la journaliste Gaël Tchakaloff dans un livre consacré aux coulisses de la campagne d’Alain Juppé. Reste à savoir si cet homme de pouvoir, passé maître en communication politique, saura aussi manier l’art du compromis. C’est tout l’enjeu des prochains mois.

 

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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