Manuel Valls a annoncé sa candidature à la primaire de la gauche, démissionnant de son poste de Premier ministre dans la foulée. Ses premiers adversaires, peut-être les plus coriaces, viendront de son propre camp.

Il n’attendait que ça. Mais il était tout aussi attendu. À peine son intention de se présenter à la primaire du PS fut-elle confirmée le 5 décembre dans son fief d’Évry, que Manuel Valls voyait l’ensemble de ses « collègues » socialistes lui tomber dessus comme un seul homme. À droite comme à l’extrême droite, ou à sa gauche Jean-Luc Mélenchon, on n’a pour l’instant pratiquement rien à faire ni à dire, tout au plus à commenter. Il en va ainsi du processus des primaires : voir se diviser l’adversaire suffit au bonheur du camp d’en face. D’autant que la guerre fratricide qui s’y livre est un abécédaire d’arguments qui seront repris par l’opposition une fois l’élu choisi. Spectatrice, cette dernière peut se contenter de cocher quelques cases supplémentaires pour compléter sa panoplie de critiques déjà bien rodées…  

 

Déficit

Principal déficit porté au compte de l’ancien Premier ministre : ses deux ans et demi d’exercice du pouvoir comme chef de gouvernement du Président Hollande et ses sorties hostiles à sa propre formation politique dans ce cadre et précédemment. Comme candidat à la primaire de 2011 d’abord, Manuel Valls ruait déjà dans les brancards : TVA sociale, rigueur budgétaire, remise en cause des 35 heures ou « impossible » retour de la retraite à 60 ans, il ne se faisait pas que des amis dans son parti mais plutôt à l’UMP d’alors et au centre. Résultat : 5,6 % des votes. Qu’à cela ne tienne, Manuel Valls est sûr de son destin présidentiel, il ne lâchera rien et ce maigre score est vu comme un ancrage pour la suite. Encarté « rénovateur » et « moderne », il en vient même à vouloir faire tomber le mot « socialiste » rue Solférino. Si sur le fond cela fait bien longtemps que cette dénomination ne recouvre plus grand-chose, il choque une nouvelle fois.  

Accusé de diviser plutôt que de rassembler, Manuel Valls doit donc déjà remonter la rude pente qui mènerait à une hypothétique union autour de sa personne. Ce qu’il tente dans son nouveau discours portant un projet de «conciliation, de réconciliation ». Mais le passif est lourd et peu sont dupes : l’ancien ministre de l’Intérieur aimera toujours trancher dans le vif et son passé de communicant est ici promptement rappelé. Ainsi veut-on le juger sur « ses actes en tant que Premier ministre » et non sur son « ripolinage » fédérateur de façade. Arnaud Montebourg, Marie-Noëlle Lienemann ou Benoît Hamon n’omettent donc pas de charger la mule en soulignant à leurs yeux sa trahison social-libérale en tant que chef de gouvernement : loi travail « inacceptable » malgré les « corrections » apportées, politique de l’offre et réductions d’impôts favorables au patronat au détriment des classes populaire et moyenne, rigueur budgétaire… tout y passe.

 

Démission

En lui faisant également porter le chapeau de la très polémique loi sur la déchéance de nationalité, ils absolvent même un peu rapidement François Hollande, son principal initiateur. L’ancien secrétaire du parti socialiste courait alors lui aussi après une union, nationale cette fois, comme un prolongement de son perpétuel rêve de la synthèse. Ce qui le conduisit généralement aux pires maladresses... Mais devenu ce non-candidat inédit à sa succession, le président de la République est pratiquement pardonné : son exfiltration du jeu politique, aussi surprenante qu’inespérée, vaut quitus. Quant à l’incessante prolongation de l’état d’urgence ou l’usage répété du 49-3, ils ne feraient qu’illustrer l’autoritarisme clivant de Manuel Valls. La critique ira-t-elle jusqu’à remettre en cause ce qui était hier loué : son sens de « l’ordre public » qui manquait tant à une gauche taxée de laxisme en matière de sécurité ? Sa démission comme Premier ministre, présentée le 6 décembre au chef de l’État, a d’ailleurs valu à Bernard Cazeneuve, son ministre de l’Intérieur, d’être nommé aussitôt à ce poste par François Hollande. Une ascension gouvernementale qui perpétue une logique de la Ve République qui veut que l’on passe par ce ministère pour s’assurer quelque popularité dans l’opinion publique et asseoir sa légitimité de chef de gouvernement. Et si personne n’est en revanche parvenu à se hisser à la fonction suprême dans la foulée, Manuel Valls n’en a cure et pour deux raisons.

 

Combat

Tout d’abord, le combat à mener. Avec une primaire interne, et Arnaud Montebourg comme probable premier adversaire – depuis maintenant une dizaine d’années dans la course au renouvellement du PS ; un François Fillon ragaillardi par l’exercice chez Les Républicains, au point qu’il coche même la case du renouveau ; une Marine Le Pen sûre de son fait ; un Jean-Luc Mélenchon revitalisé par un boulevard à gauche, sans oublier un déficit abyssal dans l’opinion : Manuel Valls, qui bouillonnait d’en découdre, a l’embarras du choix dans cette adversité qu’il aime tant. Malgré un départ pour le moins poussif et compliqué, on ne pourra donc pas lui reprocher un manque de courage, même si certains y verront plutôt de la témérité ou de l’aveuglement. Ensuite, comme pour François Hollande, on peut se demander s’il avait le choix au regard de son tempérament. L’homme politique est certes pressé mais aussi inquiet : de voir un éventuel duo Montebourg-Taubira mettre la main sur le PS en le ramenant dans le bercail d’une gauche plus sociale et de constater qu’Emmanuel Macron incarne dorénavant ce renouveau qui était sa marque de fabrique. Alors coûte que coûte…

 

@Quentin Lepoutre

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