La victoire de Donald Trump est-elle synonyme de la fin des schémas classiques de communication politique ? Les discours policés et rassembleurs d’Hillary Clinton n’ont jamais eu l’impact des tweets ravageurs du candidat républicain. L’animal médiatique a dévoré la femme d’État, notamment fébrile dans l’arène digitale.

Avec 1 068 millions de dollars* levés tout au long de la campagne, Hillary Clinton n’a pas perdu les élections à la présidence américaine à cause de trous d’air dans sa trésorerie. Cette somme impressionnante est même deux fois supérieure à celle rassemblée par son adversaire milliardaire Donald Trump (512 millions de dollars). Davantage que ce gouffre financier, les postes de dépenses révèlent les différences entre les stratégies des deux candidats. C’est sans doute sur le terrain de la communication que les positions divergent le plus.  

 

L'objectif de Trump : se faire remarquer à tout prix

 

Certes, le républicain comme la démocrate ont largement investi dans les médias traditionnels. Au sein de chaque camp, l’achat d’espaces télévisuels et radiophoniques constitue la première ligne de dépense. Mais le parallèle entre les deux rivaux s’arrête net. L’ancienne First Lady a nourri de grandes ambitions pour ces canaux de diffusion puisque 53,3 % des dépenses totales de sa campagne se sont concentrées sur eux. En comparaison, Donald Trump a consacré 27,4 % de ses investissements totaux pour ce budget. Une différence qui s’explique sans doute par la plus grande présence médiatique endogène du candidat victorieux.

 

Passé par la téléréalité et habitué aux déclarations extravagantes, le nouveau président des États-Unis occupe le devant de la scène grâce à sa personnalité hors norme et ses fracas qui font le bonheur des chaînes télé. Ces dernières ont décidé de relayer toutes ses interventions par crainte de rater la prochaine sortie de cet homme hautement imprévisible. Pour lui, peu importe si les retombées sont positives ou non, l’important est d’attirer l’attention. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler celle de Michale O’Leary, économe en marketing et habitué aux déclarations tapageuses pour gonfler la notoriété de sa compagnie Ryanair.

 

Un abandon démocrate de la sphère digitale

 

La répartition des budgets de campagne des deux candidats montre un autre sujet majeur de divergences : l’importance accordée au digital. 23,6 % des dépenses totales de Donald Trump étaient consacré à sa présence sur Internet. La candidate démocrate a quant à elle investi 3,5 % de son budget total pour la gestion de sa visibilité en ligne. C’est peu, et les espoirs de voir le matraquage télévisuel compenser ce faible investissement ont été déçus. Ce chiffre vient confirmer le manque d’affinités supposé de l’ancienne secrétaire d’État avec l’univers numérique. Le scandale des e-mails privés avait déjà donné du grain à moudre à ses détracteurs qui n’ont eu de cesse de dénoncer par la suite le manque d’authenticité de la sexagénaire sur les réseaux sociaux.

 

Même si les statistiques d’Hillary Clinton sont plus qu’honorables dans ce domaine, son concurrent direct l’a surpassé sur tous les fronts. Sur Twitter, le milliardaire peut se targuer de 13,5 millions de followers contre 10,5 millions pour l’ex-sénatrice. Avec près de 10 000 tweets postés depuis 2009, l’homme d’affaires s’est forgé une réputation sulfureuse grâce à des messages rédigés sans l’aide du moindre conseiller. L’armée d’experts du Net qui accompagnait Hillary Clinton a pu renforcer l’image d’un membre de l’establishment déconnecté des nouvelles pratiques sociales. Pour sa part, la page de la candidate démocrate sur Facebook a reçu 8 639 134 mentions « j’aime ». Celle du magnat de l’immobilier : 12 982 240. Un bilan à sens unique qui illustre un trop faible intérêt du camp démocrate pour ces plates-formes connectées et une maîtrise hors pair des codes digitaux au sein du clan Trump. Le virage opéré par la classe politique vers une communication spectacle et omnicanale n’en est sans doute qu’à ses prémices.

 

* chiffres de Bloomberg

 

Thomas Bastin

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