Le Nepad, agence de développement coordonnant les politiques économiques africaines, a été intégrée à l’Union africaine (UA) en 2010. Le point avec son secrétaire exécutif, Ibrahim Assane Mayaki, sur sa genèse, ses chantiers en cours et le futur du continent.

Décideurs. Quelles raisons ont présidé à la création du Nepad (New Partnership for Africa's Development) ?


Ibrahim Assane Mayaki. Le contexte est essentiel pour saisir les raisons de la création de l’institution comme programme de développement. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, le continent africain a connu de nombreuses politiques d’ajustement structurel. Dans le cadre du remboursement de la dette, l’Afrique met alors en place des mesures de réduction des dépenses sociales dans la politique macroéconomique. Bien que l’Afrique soit un continent avec de nombreuses ressources naturelles et une population jeune, rassemblant ainsi tous les facteurs permettant de créer de la richesse, la question fondamentale de la gouvernance demeurait un problème. Pour la première fois dans l’histoire, on a ainsi questionné la capacité des Africains à se gouverner afin de créer de la richesse.

Dès sa création, le Nepad a donc poursuivi trois buts concomitants. D’abord la gouvernance, à travers le « partenariat » définissant l’institution même. Ensuite, c’est une réflexion à long terme que nous avons souhaité mettre en œuvre. Enfin, l’objectif ultime de la création de ce partenariat institutionnalisé était naturellement la création de richesse.


Décideurs. À travers quelles actions le Nepad intervient-il?


I.A.M. Depuis sa création, le Nepad a permis l’élaboration d’une réflexion stratégique propre au continent. Il a été constitué en agence de coordination et de planification en 2010, date à laquelle il a été rattaché à l’Union africaine (UA), faisant ainsi office d’agence de développement interne. Le Nepad doit être distingué de la commission de l’UA, qui définit les orientations politiques qu’elle va mettre en œuvre. Le Nepad quant à lui, s’attelle à la mise en œuvre des orientations sur le terrain. Son rôle est de faciliter à la fois la mise en œuvre de projets permettant les développements régionaux, de servir de think thank à l’UA, et enfin d’assurer le contrôle de la mise en œuvre de l’ensemble des stratégies de développement.


Quels sont les exemples de sa mise en œuvre ?

Le Nepad intervient dans des domaines variés, aussi bien dans des projets d’infrastructures transfrontaliers –  seize projets sont en cours –, que des projets d’agrobusiness. Dans le domaine de la santé, le Nepad est intervenu afin d’harmoniser régionalement les cadres de régulation des secteurs de médicaments. Cela a d’abord été mis en place en Afrique de l’Est et ensuite au sein de la Cedeao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest).

Enfin, dans les domaines scientifique et technologique, le Nepad a accompagné les régulateurs en biotechnologie en travaillant main dans la main avec l’université du Michigan, le centre du Burkina et les cellules de Dakar et de Kampala. Une vingtaine de personnes ont été impliquées dans ce projet. Nous avons également travaillé avec la Fondation Bill et Melinda Gates lors des travaux.


Quels sont selon vous les chantiers de demain sur le continent ?


Il existe réellement deux vitesses de perception du développement du continent. Les gouvernements sont en retard sur la société civile et le secteur privé. Cela pose notamment un problème de définition des politiques publiques, dans un cadre de contestations élevées. Il existe au moins quatre Afrique aujourd’hui: l’Afrique de l’Est, celle qui réussit le mieux et permet une transition aisée. L’Afrique de l’Ouest, qui se diversifie et a besoin d'un développement agricole soutenu. Ily a ensuite celle des grands producteurs de pétrole et de gaz, qui font face à la fin du boom des matières premières et doivent se réinventer, et enfin celle des pays en conflit, qui est extrêmement fragile.

Le chantier le plus important, compte tenu de la démographie galopante, est bien sûr la création d’emplois pour les jeunes. Il existe encore de très importantes inégalités sociales. Les États africains ne peuvent plus d'ailleurs se contenter d’être exportateurs de matières premières. Cela ne permet ni la création d’emplois, ni la diversification de l’économie. Un focus régional est nécessaire dans les processus d’industrialisation du continent. Ce sont à la fois des questions d’ordre économique et politique.

Le leadership de demain, certainement plus en phase avec le peuple, déterminera ce que sera l’Afrique.

 

E.S.

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