Persuadé qu’un renouveau politique est possible, l’avocat est à l’initiative de Laprimaire.org, la plate-forme dont émergera un candidat choisi par les Français pour la présidentielle.

Jamais encarté, David Guez est un citoyen engagé et convaincu. Du genre « touche-à-tout », l'avocat, qui a fait ses premières armes dans des cabinets internationaux, fonde sa propre structure en 2009. En 2014, avec son ex-client et ami Thibauld Fabre, il se lance dans un projet à la fois politique et social. L’objectif ? Donner un coup de pied dans la fourmilière de la présidentielle en organisant une primaire démocratique ouverte. Un plan qui pourrait bien fonctionner, puisque la plate-forme comptabilise déjà 25 575 inscrits.

 

Décideurs. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette primaire citoyenne ?

David Guez. Le point de départ, c'est un constat : le ras-le-bol général de voir toujours les mêmes personnalités politiques. Avec Thibauld, nous avions envie de lancer un projet politique qui puisse avoir un impact social. Nous en avons discuté à l'été 2014, puis l'idée s'est structurée autour d'un objectif précis : permettre aux Français de choisir leur candidat pour la présidentielle autour d'un vrai débat démocratique et via une technologie aboutie. Il faut bien comprendre que nous ne sommes ni des anarchistes, ni en rejet des institutions et encore moins des donneurs de leçon. Le projet a mûri au fur et à mesure des différentes rencontres avec des élus, des sondeurs ou plusieurs organisations comme l'institut Montaigne ou Terra Nova... Notre ambition est aussi de pousser les partis à se réinventer, car ils se sont totalement déconnectés de leur socle populaire. La preuve : les citoyens se sont largement désengagés de la politique. Le débat d'idées est actuellement sclérosé. Nous sommes appelés à voter pour des personnes que nous n'avons pas choisies. Et quant aux primaires des partis, le casting à l’entrée démontre qu’elles ne sont pas démocratiques.

 

Décideurs. Quant à vous, le vote s'organise en plusieurs temps. Actuellement, c'est la « pré-primaire »...

D. G. Oui, c'est la première étape. Depuis le 4 avril, chaque citoyen qui s'engage à respecter la charte (respect de la loi française, casier judiciaire vierge, sincérité des informations...) peut candidater pour participer à la primaire. Seuls ceux qui obtiendront 500 soutiens avant le 14 juillet seront qualifiés et pourront participer à la phase finale.

 

« Ceux qui obtiendront 500 soutiens avant le 14 juillet seront qualifiés et pourront participer à la phase finale »

 

Décideurs. Quelles sont les prochaines étapes ?

D. G. Une fois la phase de pré-primaire achevée, nous irons à la rencontre de ceux qui ont été plébiscités et prendrons le temps d'échanger et de discuter avec eux des différents programmes. À partir de septembre, nous ferons le point et nous verrons avec les candidats s’ils souhaitent se maintenir ou non. Pour la suite, les choses sont encore à ajuster. S'il y a beaucoup de candidats qualifiés (vingt par exemple), nous demanderons aux citoyens de voter en ligne pour choisir les finalistes. S'il n’y a que cinq candidats qualifiés, alors nous déclencherons directement les phases finales. Durant cette dernière étape, plusieurs débats physiques seront organisés un peu partout en France. Les cinq finalistes devront débattre et répondre aux questions des citoyens. Un vote sera enfin organisé via la plate-forme, pour déterminer celui qui se présentera à la présidentielle.

 

Décideurs. Il devra créer un parti politique…

D. G. Tout à fait.

 

Décideurs. Que se passe-t-il si le candidat final s’avère porter des idées extrêmes ?

D. G. Il faut bien comprendre que l’initiative n’a pas vocation à faire émerger le « meilleur candidat », mais le programme le plus rassembleur.

 

« L’initiative n’a pas vocation à faire émerger le "meilleur candidat", mais le programme le plus rassembleur »

 

Décideurs. Vous avez néanmoins mis en place plusieurs garde-fous…

D. G. Bien sûr. Déjà, les candidats s'engagent à se comporter avec responsabilité, dignité, éthique, mesure, transparence, et bienveillance. Ensuite, le processus de vote pour la phase finale est particulier et correspond au jugement majoritaire. Les électeurs attribuent à chaque candidat une mention : « excellent », « bien », « assez bien », « passable », « insuffisant » ou « à rejeter ». Ce qui permet de les classer selon leur « mention majoritaire ». Avec cette technique, un candidat très clivant ne peut pas sortir gagnant. Nous prévoyons aussi de mettre en place un jury populaire. En cas de conflit sur une candidature, ce jury (réunissant des citoyens tirés au sort sur la plate-forme) déterminera si le candidat peut rester en lice ou non.

 

Décideurs. Et comment éviter que les membres d'un parti déjà existant ne soient candidats ?

D. G. Notre charte est claire : les candidats encartés doivent se mettre en congé de leur parti.

 

Décideurs. Vous avez été la première primaire citoyenne à voir le jour. Depuis, d’autres ont émergé, notamment La primaire des Français lancée par plusieurs personnalités comme Jean-Marie Cavada, Corinne Lepage et Alexandre Jardin...

D. G. Oui, d’ailleurs nous les avons rencontrés. Nous leur avons expliqué que notre projet était politique mais pas politicien, et qu'il visait à réunir un maximum de citoyens. Le leur est trop clivant à notre sens. Nous ne partageons par ailleurs pas le même processus de vote. Il était par conséquent impossible de fusionner les deux projets.

 

Décideurs. Et vous, qu’avez-vous à gagner ?

D. G. Rien du tout ! Thibauld et moi sommes totalement neutres et indépendants. Nous ne gagnons pas d’argent sur le projet, la technologie développée pour Laprimaire.org est d’ailleurs en open source. N'importe qui peut dupliquer le modèle. Mais nous travaillons sur un projet d'entreprise en parallèle pour nous rémunérer. L’objectif est de créer un fonds pour aider les projets citoyens. Car les politiques actuels ne font rien pour permettre à ceux qui mettent en place ces initiatives de se payer. Pourquoi scieraient-ils la branche sur laquelle ils sont assis ? 

 

Décideurs. La pré-primaire est ouverte depuis un mois. Quel premier bilan tirez-vous ?

D. G. Autour de 130 citoyens sont pour l’instant candidats pour la pré-primaire. Trois d'entre eux ont d’ores et déjà recueilli leurs 500 soutiens et sont donc qualifiés pour la phase finale. L'application Laprimaire.org, disponible depuis mi-avril, a par ailleurs été téléchargée par 20 000 personnes, sans aucune campagne de communication de notre part. Notre objectif est donc pour l'instant largement dépassé, même si nous avons conscience que nous devons continuer à booster la communication.

 

Décideurs. Avez-vous déjà envisagé l’après-présidentielle ?

D. G. Nous allons développer la plate-forme pour les élections législatives et européennes.

 

 

Propos recueillis par Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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