Décideurs. Le leadership a-t-il un genre : existe-t-il un leadership au féminin ?

Najat Vallaud-Belkacem. Je ne crois pas aux compétences ou qualités typiquement féminines. Ce sont des comportements qui s’acquièrent par l’éducation, et non des compétences naturelles et spontanées. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics doivent travailler avec beaucoup plus d’acuité qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent sur l’éducation, l’orientation scolaire, la mixité des filières et des métiers. Nous devons développer chez nos jeunes filles et chez nos jeunes garçons autant d’appétences, de compétences et d’ambitions. Les reformes de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de l’orientation scolaire donnent désormais sa juste place à cette exigence. Pour les compléter, j’ai décidé de faire de l’année 2014 l’année de la mixité des métiers, avec une grande campagne à l’appui.

 

Décideurs. Quels ingrédients nécessaires au leadership ne sont pas assez mis en lumière ?

N. V.-B. Les barrières culturelles et des phénomènes d’autocensure des femmes dans le cadre du travail et de la gestion de leur carrière sont bien réels. De nombreuses études montrent en effet que les différences de comportement en entreprise et face à la négociation expliquent pour partie la persistance des inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes. C’est pour cette raison que j’ai décidé de lancer un projet d’application mobile « Leadership pour Elles ». Cette application mettra à la disposition du plus grand nombre des outils pratiques visant à aider les femmes à dépasser ces barrières culturelles. Elle incitera les femmes à affirmer leur leadership dans leur entreprise et, en se dotant de bonnes pratiques, à contribuer à réduire les inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes.

 

Décideurs. Le système décisionnaire d’un leader est souvent fondé sur des valeurs : concrètement, au quotidien, les décisions que vous prenez sont-elles systématiquement guidées par ces valeurs ?

N. V.-B. Ce n’est pas une caractéristique propre aux leaders : tout le monde compose entre un idéal et le réel qui lui résiste. Lorsque vous êtes responsable politique, l’exigence de fidélité à ses valeurs est d’autant plus grande que vous en êtes le garant, à l’échelle collective.

 

Décideurs. Vous est-il souvent arrivé de douter ? Comment un leader peut-il gérer ses questionnements ?

N. V.-B. Je n’ai pas de recette miracle : je crois qu’il faut toujours savoir se ménager des parenthèses pour prendre le temps de réfléchir au sens de votre engagement. Dans le temps de l’action, il faut savoir décider, trancher, assumer ses décisions et, pour cela, il faut se forger une solide et intime conviction qui ne laisse que peu de place au doute. Mais il faut surtout savoir aussi admettre les erreurs, faire preuve de modestie, comprendre les critiques et apprendre des autres. C’est une question de rythme : la vie politique a le sien, la vie des entreprises aussi.

 

Décideurs. Dans quelle mesure l’écoute est-elle une composante du leadership : comment parvenir à porter la parole tout en restant à l’écoute de ceux qui vous entourent ?

N. V.-B. Votre remarque est très juste : j’ai toujours considéré que, dans le rôle qui était le mien, je devais aussi porter la parole, de bas en haut pour dire les choses simplement. J’organise par exemple tous les mois un porte-parolat en région qui est un moment d’échange assez libre avec un panel représentatif de Français : je viens donner un éclairage sur la politique du gouvernement, mais je repars avec de précieux messages, des idées et des remarques que j’adresse ensuite au Premier ministre et au président de la République. Je n’oublie jamais qu’un élu est d’abord un représentant.

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