Comment être innovant en matière de formation et répondre aux nouveaux enjeux des DRH ? Denis Cristol, directeur de l'ingénierie au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), nous donne les clés de lecture.

Décideurs. Vous êtes partisan du développement de modèles de formation plus innovants. Quelles en seraient les grandes caractéristiques ?

 

Denis Cristol. Les modèles de formation innovants ont pour caractéristiques de s'intéresser à l'envie d'apprendre ensemble en mettant à disposition des écosystèmes soutenant l'apprentissage.

Tout d’abord, ces écosystèmes nécessitent de revoir l'architecture des salles et des bâtiments destinés à la formation. De nouveaux espaces permettront une plus grande interaction entre équipe apprenante et équipe intervenante. Ils nous sortiront du paradigme actuel « j'enseigne donc tu apprends » et favoriseront l’expression individuelle et créative tout comme le travail sur les projets concrets ayant une prise sur le réel. Les méthodes pédagogiques traditionnelles s'enrichissent d'approches de co-conception et permettent de penser le monde tel qu'il vient et pas seulement tel qu'il est décrit en théorie.

D’autre part, ces modèles apprivoisent les usages numériques sur lesquels s'appuient les nouvelles façons d'apprendre et les outils qui transforment nos rapports aux savoirs en profondeur : accès démultipliés, grande célérité dans le traitement des tâches, mises en contact, ubiquité, travail en réseau, connexion continue, transformation des conditions de lecture par bribe plutôt que par des livres d'un seul tenant… Le numérique bouleverse l'ontologie humaine pour le meilleur et pour le pire.

Enfin, les modèles de formation se crispent moins sur le comptage d'heures de présence et se concentrent sur la combinaison des formats : présentiel/à distance, formel/informel.

 

Décideurs. En quoi la formation constitue-t-elle une réponse aux nouveaux enjeux sociaux des entreprises ?

 

D. C. Pour l'individu, avec une tension sur l'emploi sans précédent, la formation est devenue un enjeu afin de maintenir son employabilité. Pour l'entreprise, elle reste plus que jamais un atout concurrentiel : apprendre plus vite que les concurrents est un levier qui contribue à la création d’un projet collectif. Vivre des temps forts ensemble, partager des apprentissages, cela consolide la prise de repères communs. La formation renforce la communauté de travail. Cet enjeu est essentiel quand la confiance en soi, en l'entreprise, en l'avenir, peut faire défaut. Le fait d'apprendre avec les autres et avec son manager crée une vision du devenir commun. Compte tenu des mutations qui bouleversent les entreprises, les managers sont appelés à jouer le rôle de leaders éducatifs. Quand les données abondent, le rôle des managers est de plus en plus d'aider les collaborateurs à les transformer en savoir.

 

Décideurs. Pensez-vous que les attentes des apprenants ont évolué ? Comment refondre des façons d’enseigner et d’apprendre ?

 

D. C. La façon dont la question est posée atteste déjà d’une prise de conscience du changement de posture de celui qui est formé, encore qualifié il n'y a pas si longtemps de « stagiaire ». Ainsi, le terme d'« apprenant » s’est fait une place dans les esprits et ses attentes ont bien évolué. Il n'y a qu'à voir l'engouement pour les Mooc qui, en quelques mois, ont attiré plus de 500 000 curieux sur la seule plate-forme FUN*. Et même si tous ne vont pas au bout des programmes en ligne gratuits, même si les profils repérés sont plutôt ceux de cadres, un nouveau signal est lancé. Impossible de nier l'existence des moteurs de recherche, des encyclopédies en ligne, des tutoriels d'apprentissage sur les chaînes vidéo en ligne... Lnous es organismes de formation doivent recomposer avec de nouvelles envies d'apprendre et des publics parfois laissés de côté. Il leur faut repenser la finalité et la qualité des services qu'ils apportent. L'apprenant est contraint de s'adapter à un environnement incertain, dangereux, complexe. Les individus s'intéressent alors au développement de leurs propres compétences. L'ancien contrat moral passé avec l’employeur « contribution vs rétribution » ne suffit plus à sécuriser l’avenir. Ils ont parfois du mal à le faire quand le contexte organisationnel ne le permet pas, que les managers ne les soutiennent pas, ou encore que les droits qui leur sont concédés sont difficiles à mettre en œuvre.

 

* France université numérique

 

 

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