Pour en finir avec Mein Kampf est un essai qui retrace la vie juridique du livre d’Adolf Hitler. Rédigé par trois auteurs, il est le fruit d’un historien, Jean-Marc Dreyfus, d’un avocat, David Alexandre, et d'un directeur juridique, Philippe Coen.

Le livre plonge les lecteurs dans l’ensemble des problématiques actuelles au moment où Mein Kampf tombe dans le domaine public soixante-dix ans après la mort de son auteur, comme le prévoit la loi. Le livre débute par une préface signée Dominique de la Garanderie, ancien bâtonnier de Paris. Cette introduction donne un certain recul et une profondeur au sujet traité avec, pour clôturer son propos, une citation d’Alain Finkielkraut propice à la réflexion : « La barbarie n’est pas la préhistoire de l’humanité, mais l’ombre fidèle qui accompagne chacun de ses pas. »

 

Peut-on en finir avec Mein Kampf ?

L’actualité juridique relative à la réédition du livre d’Aldolf Hilter donne l’occasion de débattre de questions sociétales et éthiques : sa remise en circulation doit-elle être entravée ? La réédition doit-elle être encadrée ? Quel serait l’impact de cette réédition ?

Ce livre renseigne de quelques anecdotes et chiffres intéressants sur Mein Kampf.

Tout d’abord le fait que c’est un best-seller (même si son succès varie en fonction des pays) et qu’il est encore aujourd’hui très vendu dans le monde. En Allemagne par exemple, il était offert aux écoliers, aux soldats, aux mariés et une édition de luxe était précieusement gardée par les gradés du troisième Reich.

Le mécanisme des droits d’auteur du livre est ensuite explicité : le décès d’Adolf Hitler ayant entraîné la transmission de ces droits au Land de Bavière dans la mesure où Munich a été sa dernière demeure officielle. Or, soixante-dix ans après la mort de l’auteur, le Land ne peut désormais plus faire échec à la republication du livre. Et il se refuse désormais à en contrôler la sincérité des traductions.

Plus généralement, on lit que Mein Kampf a été en son temps un solide instrument politique manipulé par un parti. L’édition était sournoisement modifiée en fonction du pays dans lequel il était distribué. Les parties idéologiquement très critiques à l’égard de certaines nations étaient couramment supprimées. Avec pour objectif que toute population adhère à la pensée hitlérienne même si le pays était considéré comme un ennemi par le régime.

 

La réédition

La question relative à sa réédition est bien évidemment évoquée. Il est précisé avant tout propos que Mein Kampf est déjà disponible sur la Toile depuis bien longtemps. Une personne désirant satisfaire sa curiosité à l’égard de cet ouvrage ne se trouve donc pas bloquée. La réédition ne rendrait donc pas l’ouvrage de nouveau disponible à proprement parler.

La problématique s’articule alors autour de l’impact que peut avoir cette réédition. Et sur notre responsabilité dans la manière dont il sera diffusé. L’hypothèse d’un encadrement est soulevée. Il est en effet essentiel de prévenir tout lecteur de la place idéologique que Mein Kampf a occupée dans les crimes perpétrés pendant la Seconde Guerre mondiale. La place de la liberté d’expression dans ce débat est évidemment essentielle, notamment après la symbolique que ce droit fondamental a pris après les attentats de janvier 2015. La liberté d’expression voudrait que chaque publication soit libre et non entravée. Cet essai nous indique néanmoins une obligation fondamentale, si réédition de Mein Kampf il y a, elle doit être faite de manière honnête, c’est-à-dire dans sa stricte intégralité, sans omettre les passages les plus violents.

 

Les propos haineux et violents sur Internet

La haine développée sur Internet est un thème sous-jacent et le fil conducteur du livre. La nature intrinsèque d’Internet est ainsi mise à l’épreuve : la liberté absolue que nous donne cet accès est-elle par nature source d’une extraordinaire violence ?

Les trois auteurs tentent néanmoins d’y apporter une solution : la création de « Respect Zone », un label et une charte qui encadrent l’auto-modération sur les sites. 

Pour en finir avec Mein Kampf est un livre avant tout juridique. Beaucoup d’informations sur les procédures engagées contre la publication du livre pendant et après la Seconde Guerre mondiale sont détaillées. Ce qui donne un sentiment d’absence de pragmatisme des tribunaux qui n’ont fait qu’appliquer le droit, même face à Adolf Hitler.

 

Estelle Mastinu

 

Pour en finir avec Mein Kampf et combattre la haine sur Internet, édition Le Bord de l’Eau 2016, 130 pages, 10 euros

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