Alors qu’obtenir les 3/5e au Congrès semble mission impossible, le Président aurait tout avantage à solliciter directement les Français.

Manuel Valls est confiant. « Étape après étape, ces articles seront adoptés », déclarait-il au sujet du projet de loi constitutionnelle de protection de la nation, quelques minutes après les votes de l’article 2 inscrivant la déchéance de nationalité dans la Constitution. Une assurance qui laisse dubitatif, le texte n'ayant été adopté qu’à une très faible majorité (162 voix contre 148). Et que dire du premier article du projet visant à inscrire dans la Constitution le régime de l’état d’urgence, qui n’a mobilisé que 129 députés sur les 577 qui composent l’hémicycle. Une absence lourde de sens pour l’opinion après des mois de débats, tractations, menaces, sondages…. Certains évoquent le lundi et le vendredi comme des jours traditionnellement réservés aux circonscriptions quand d’autres pointent plus exactement que les députés ne se mobiliseraient qu’à l’occasion du vote solennel de l’ensemble du texte. C’est chose faite : il a été adopté à 317 voix contre 199 ce mercredi.

 

La majorité des 3/5e « inatteignable »

 

Pour être définitivement adoptée, la révision constitutionnelle devra être votée à l’identique par le Sénat (majoritairement à droite), ce qui semble déjà fort compromis et sous-entend des allers-retours avec l’Assemblée nationale. Il faudrait ensuite qu’elle soit approuvée par les 3/5e du Parlement réuni en Congrès, si le président de la République décide de le solliciter. Une condition prévue par l’article 89 de la Constitution, et qui laisse pour le moins sceptique la classe politique. « Ce texte ne pourra jamais entrer dans la Constitution, en tout cas pas par la démarche parlementaire », a déclaré Aurélie Filippetti sur France 3, ce mercredi. «  Je pense que le gouvernement ne fera pas convoquer le Congrès », a de son côté confié l’ancien président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, interrogé par L’Obs, et pour qui la majorité des 3/5e est « inatteignable ». Cécile Duflot dénonce quant à elle une méthode qui « consiste à privilégier les petits coups tactiques avant de penser à l’intérêt collectif ».

 

Un suffrage sans risque

 

Mais la réunion du Congrès n’est pas l’unique moyen pour l’exécutif de faire adopter une révision constitutionnelle. Le même article 89 prévoit en effet qu’une « révision constitutionnelle est définitive après avoir été approuvée par référendum ». Une porte de sortie pour le gouvernement, car les mesures sécuritaires ont la cote dans l’opinion publique. Deux mois après les attentats, 77 % des Français étaient toujours favorables à l’état d’urgence, selon un sondage YouGov réalisé pour Le Huffington Post et Itélé. Des chiffres confirmés par un sondage Ifop pour Atlantico.fr, puisqu’en janvier 2016, ils étaient à 79 % favorables à la prolongation de trois mois. Même observation du côté de la déchéance de nationalité : 73 % des Français y sont favorables selon un sondage Odoxa pour iTélé et Paris-Match publié au début du mois de février. Un atout maître qui permettrait à François Hollande de se placer au-dessus des partis politiques. Car tandis que Les Républicains sont empêtrés dans des jeux de posture pré-primaire avec le retour du match Fillon/Sarzoy (François Fillon bénéficiant de soutiens solides au Sénat), les socialistes sont pour leur part incapables du moindre consensus sur le sujet. Un moyen aussi de se montrer proche des Français, voire de flatter comme un recours ceux qui n’ont pas été directement sollicités par l’exécutif depuis 2005. Une éventuelle victoire dans les urnes inespérée pour celui qui joue au père de la nation. Et un bon point pour 2017.

 

 

Capucine Coquand et Quentin Lepoutre

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