Le Cercle Montesquieu, association de directeurs juridiques en France, vient de créer une commission « employabilité ». Retour avec ses fondatrices, Brigitte des Abbayes chez Oracle et Renalda Harfouche chez Ipsos, sur l’évolution de leur profession.

Décideurs. Créer une commission « employabilité des directeurs juridiques » est-il le signe de la difficulté pour ces professionnels à retrouver en emploi ?

Renalda Harfouche. S'il est exact que tous les métiers font face à un marché tendu depuis plusieurs années, nous n'avons cependant pas d'alerte particulière à ce sujet au niveau du Cercle Montesquieu. La création de notre commission est davantage le résultat d’une démarche prospective sur l'évolution de la fonction juridique et de ses modes d'exercice ainsi que sur les besoins des entreprises qui nous paraissent connaître une vraie mutation à laquelle tous les directeurs juridiques doivent d’adapter dans les années à venir.

 

Décideurs. Combien votre commission pense-t-elle accompagner d’adhérents ?

Brigitte des Abbayes. Notre commission a vocation à accompagner tous les adhérents du Cercle qu'ils soient en poste où en transition. C'est un service que nous entendons proposer à nos membres, à l'instar des associations des anciens élèves des grandes écoles qui le font depuis longtemps. Nous avons constaté les années passées que certains directeurs juridiques ne se tournaient vers le Cercle qu'à l'occasion d'une recherche d'emploi, alors que nos statuts ne nous permettent pas de les accueillir à ce moment-là. Néanmoins, au démarrage, la priorité sera donnée tout naturellement aux membres en transition. Pour le moment nous n'avons pas connaissance de leur nombre. Nous en saurons plus dans quelques mois.

 

Décideurs. La tendance est-elle au renforcement des directions juridiques ou au contraire à la recherche d’hyperspécialisation ?

R. H. Je pense que la tendance va vers un renforcement de la sécurité des entreprises et le directeur juridique doit pouvoir être adaptable et multitâches. En ce qui concerne l'hyperspécialisation, il n'y a pas de règles générales. Il y a des entreprises de tailles diverses, de secteurs différents, avec des besoins différents auxquels les directeurs juridiques doivent s'adapter.

 

Décideurs. On observe que de plus en plus de directeurs juridiques seniors deviennent avocats, phénomène rare il y a quelques années. Comment comprenez-vous ce phénomène ? Avez-vous des chiffres ?

B. des A. Ce phénomène nous semble avoir toujours existé. Nous n'avons pas constaté d'accélération récente en ce sens au niveau du Cercle. Mais nous n'avons pas de chiffres pour le moment. C'est certainement un indicateur qu'il faudra suivre, mais nous entendons aussi proposer d'autres choix, car aujourd’hui la fonction peut être exercée différemment : management de transition, multientreprises, etc. Comme plusieurs choix peuvent s’offrir aux directeurs juridiques, notre commission est là pour qu’ils puissent être entendus.

 

Décideurs. Les entreprises demandent aujourd’hui à leur directeur juridique d’être spécialisé en compliance, gestion des contrats, des risques juridiques, lobbyistes, etc. Tous les directeurs juridiques sont-ils susceptibles de devenir des business partners ?

R. H. Un business partner se doit d'avoir un minimum de spécialisation en fonction des métiers et des besoins spécifiques de son entreprise. Il est au cœur même de la fonction de directeur juridique. Seule une connaissance intime du monde global de l'entreprise lui permet de jouer ce rôle de business partner à la différence des avocats qui, eux, peuvent apporter de l'hyperspécialisation. Mais les frontières entre les deux professions sont ténues car on trouve des avocats anciens directeurs juridiques qui offrent à la fois spécialisation et créativité du business partner.

Le monde du droit des affaires bouge et il faut s'affranchir des étiquettes et des corporatismes pour répondre aux besoins des entreprises.

 

Propos recueillis par Pascale D’Amore

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