Ce designer de formation s’est plongé dans les projets de démocratie participative au début des années 2010. Cofondateur de la plate-forme Parlement & citoyens, qui hébergeait le projet de loi Biodiversité jusqu’au 18 janvier, il œuvre pour davantage de citoyenneté dans l’élaboration des normes.

Décideurs. Comment vous est venue l’idée de créer le site Parlement & citoyens ?

Armel Le Coz. Nous avons lancé la plate-forme en 2012 avec Cyril Lage, ancien lobbyiste. Dans le cadre de son expérience, celui-ci s’est rendu compte que les lobbies avaient un accès indu aux décideurs par rapport aux citoyens. Une réalité qu’il a aussi pu observer dans le cadre de son activité d’assistant parlementaire. Partant de là, nous avons réfléchi ensemble à la façon de mettre sur pied un lobby citoyen adapté au système actuel. L’idée n’est pas de remettre en cause la légitimité démocratique des élus mais de leur offrir les moyens d’élaborer des textes de façon plus transparente et plus participative. C’est l’objectif de Parlement & citoyens.

 

Décideurs. Le projet de loi Biodiversité n’est donc pas le premier de la plate-forme…

A. L- C. La plate-forme n’est ouverte à tous les parlementaires que depuis 2015. Mais les premières expérimentations, que nous menons depuis 2012, ont déjà abouti à plusieurs textes définitifs. La toute première loi issue de la plate-forme et qui a ensuite été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat est la proposition du sénateur Joël Labbé, sur l’interdiction des pesticides à usage non-agricole. Quant à la loi Biodiversité, elle fait parler d’elle car pour la première fois un sénateur qui ne faisait pas parti de la commission s’est emparé du texte pour le soumettre aux citoyens. La médiatisation qui s’en est suivi démontre l’enjeu autour des questions démocratiques aujourd’hui. De plus en plus de parlementaires ou de ministres sont prêts à jouer le jeu. En témoigne d’ailleurs le soutien apporté à l’initiative par Ségolène Royal.

 

Décideurs. Craignez-vous que certains politiques n’utilisent la plate-forme qu’à des fins médiatiques ?

A. L- C. Le risque existe. Pour l’instant, on remarque surtout que les politiques sont en recherche de nouvelles façons de faire participer les citoyens. Il faut bien comprendre que nous avons conçu la plate-forme pour permettre aux parlementaires isolés d’avoir un poids médiatique et démocratique autour d’une proposition de loi. Les ministres ont eux aussi parfois besoin de soutien de la part des citoyens pour faire passer certaines mesures en Conseil des ministres. Nous essayons de nous assurer qu’ils jouent le jeu et qu’ils prennent en compte ce qui est en train de se dire sur la plate-forme. Mais nous ne pouvons remettre en cause la démocratie représentative. C’est aux parlementaires qu’il appartient de prendre la décision finale : c’est pour ça qu’ils ont été élus. Pour l’instant, ils ont tous joué le jeu de façon honnête et sincère, toutes familles politiques confondues. C’est une initiative qui dépasse d’ailleurs totalement les oppositions droite/gauche. Le seul clivage qu’on observe est entre progressistes et conservateurs.

 

Décideurs. Vous travaillez sur les questions de démocraties participatives depuis plusieurs années. Peut-on, selon vous, parler d’un réveil des consciences citoyennes suite aux élections régionales de décembre ?

A. L- C.  J’ai clairement l’impression que les choses sont en train de bouger surtout dans les médias et auprès politiques. Du côté citoyen, la prise de conscience n’est pas nouvelle. En 2013 lorsque j’ai sillonné les routes de France à la rencontre des candidats aux municipales, je sentais déjà cette envie de voir apparaître un système plus représentatif et plus démocratique. Plusieurs véritables projets alternatifs,sans être dans la confrontation directe, voient le jour depuis quelques mois. Cela s’explique par une combinaison de plusieurs événements : les régionales, mais aussi l’inquiétude face à la réaction sécuritaire du gouvernement suite aux attentats. À cela s’ajoute l’émergence des partis citoyens en Grèce et en Espagne.

 

Décideurs. Un Podemos à la française est donc envisageable…

A. L- C.  Il existe déjà des partis citoyens en France, comme Nouvelle Donne ou Nous Citoyens. Même s’ils n’ont pas encore réussi à émerger, je reste convaincu que les choses vont changer et que le-ras-le-bol général tendra non pas vers le Front national mais vers un mouvement citoyen. Même si je ne suis pas persuadé que cela se fera sous la forme d’un parti politique. J’ai néanmoins espoir de voir émerger un candidat issu de ces mouvements citoyens en 2017.

 

Propos recueillis par Capucine Coquand

 

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