Michael Rinn, professeur en sciences du langage à l’Université de Bretagne occidentale, mène des recherches sur les discours de l’extrême contemporain

Décideurs. Qu’est-ce qui caractérise pour vous la communication/propagande de Daech??


Michael Rinn1. Je propose une distinction entre la pratique de la polémique agressive, s’attaquant à la personne de l’adversaire pour la décrédibiliser auprès d’un auditoire d’internautes afin de renforcer son propre argumentaire – caractéristique des discours négationnistes – de la pratique du «?sublime?» qui définit le discours de Daech. Cette dernière emprunte à la polémique agressive, mais le discours de Daech vise à la fois à éliminer l’adversaire et à écraser l’auditoire par l’hyperviolence verbale et iconique?: c’est précisément la caractéristique du sublime. Écraser par la force radicale, priver l’interlocuteur de tout sens critique, réduire l’Autre à l’Un. J’identifie également la recherche d’une esthétique singulière, propre à un système qui se veut totalitaire. Je pense ici et précisément au Triomphe de la volonté, film de propagande de Leni Riefenstahl (1934), mélangeant messianisme, millénarisme et triomphalisme. Leur communication est une Weltsicht inversée, c’est-à-dire une optique sur le monde qui miroite l’Occident, mais inversé.

 

1 Agrégé en lettres, docteur en linguistique. Ses premiers travaux sur Daech paraîtront mi-janvier, dont fait partie cette notion de «?sublime?». Il participe à la conceptualisation d’une sémiologie de l’Internet.

 

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