Yves Jégo, député et président de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) trace la feuille de route de l’opposition centriste. 
Décideurs. Que change la nomination de Manuel Valls à Matignon ?
Yves Jégo.
L’arrivée de Manuel Valls marque un double virage dans le discours de la majorité. Avec lui, la gauche semble abandonner son dogme de la relance par la demande pour se rallier à la politique de l'offre et le recours à l'impôt semble banni au profit des économies sur la dépense publique. C'est un changement profond d'approche, qui d'ailleurs sème la confusion au sein de la gauche. Le défi du nouveau Premier ministre est désormais de passer des paroles aux actes. L'UDI le jugera sur pièces et pas seulement sur les intentions affichées.

Décideurs. Son discours de politique générale vous a-t-il rassuré ?
Y. J.
La forme volontariste tranchait avec celle de son prédécesseur. Mais un discours réussi ne fait pas à lui seul la croissance. Beaucoup de mesures restent floues et l'on ne peut que déplorer un grave problème de méthode. Comment peut-on, par exemple, envisager la simplification territoriale que nous appelons de nos vœux sans organiser très vite des états généraux des territoires afin de fixer dans le dialogue un calendrier cohérent pour y parvenir ?

Décideurs. Le président a-t-il répondu aux attentes exprimées par le pays ?
Y. J.
Le besoin exprimé par le pays est un besoin de résultats. Emploi, dette, déficit, logement, pouvoir d'achat... Tous les indicateurs économiques et sociaux sont au rouge. C'est le terrible résultat de deux ans d'erreurs d'un Président qui a cru que défaire ce qu'avait fait son prédécesseur suffisait et d'une majorité qui n'a pas compris qu'en assommant le pays d'impôts elle tuait l'économie et cassait la confiance.
Si le Président décidait vraiment de faire en matière économique et fiscale ce que nous lui suggérons depuis deux ans, ça serait effectivement une bonne nouvelle !
Il est par exemple urgentissime de remettre sur rails la politique des emplois à domicile. Les décisions du gouvernement ont en effet effacé plus de 80 000 emplois dans ce secteur en quelques mois.

Décideurs. Le pacte de responsabilité arrive-t-il trop tard ?
Y. J.
C'est encore le grand flou alors que le président en a fait il y a déjà quatre mois l'alpha et l'oméga de sa politique. Que de temps perdu ! Quant aux annonces de baisses de charges ou d'impôts sur les sociétés reportées à plus tard c'est une sorte de mirage dans le désert.
L'UDI plaide pour une baisse immédiate et générale à la fois des charges sur tous les salaires et de l'impôt sur les sociétés. Nous demandons au gouvernement d'accélérer la mise en œuvre des mesures porteuses de compétitivité pour les entreprises. Il s'agit de passer en quelque sorte de l'homéopathie à la chirurgie.

Décideurs. Vous ne partagez donc pas l’avis du gouvernement selon lequel il faut alléger les charges sur les bas salaires uniquement ?
Y. J.
Il faut veiller à ne pas créer des trappes à pauvreté en ciblant seulement vers les bas salaires les baisses de charges. Nous sommes favorables à un double levier : baisse générale des charges sur tous les salaires et baisse immédiate et conjointe de l'impôt sur les sociétés.

Décideurs. Comment financer cela ?
Y. J.
L'UDI a fait des propositions pour économiser quatre-vingts milliards. Pour y parvenir, il faut évidemment des réformes structurelles profondes qui permettront de dégager les économies nécessaires pour libérer nos entreprises du carcan des charges et des impôts. Nous préconisons de passer par exemple immédiatement à la retraite à 62 ans et de porter à 39 heures le temps de travail dans la fonction publique. Le coup de rabot du Premier ministre sera insuffisant s’il ne s'accompagne pas de réformes structurelles rapides et profondes dans les domaines fiscal, social et territorial.

Décideurs. Le gouvernement, et Bercy notamment, jouent-ils au feu avec Bruxelles et l'Europe ?
Y. J.
Monsieur Montebourg exige le lundi un délai des autorités européennes et Monsieur Sapin affirme le mardi que nous respecterons nos engagements. Où est la cohérence ?
Il est trop facile de faire de l'Europe le bouc émissaire de nos propres insuffisances. La règle des 3 % a été acceptée librement par la France, elle vise à nous garantir la confiance de nos créanciers. Je préconise pour ma part de se fixer comme objectif 2 % afin de dégager ainsi une marge de manœuvre d'environ vingt milliards pour un plan de relance de l'investissement public.
Sans un programme public de relance, nous risquons en effet de stagner avec une croissance trop faible pour faire diminuer significativement le chômage.

Décideurs. Qu’attendre de l’opposition pendant ces trois années ?
Y. J.
L'opposition doit être responsable et constructive. Les mesures qui iront dans le bon sens seront approuvées par l'UDI. Être dans l'opposition ne signifie pas être sectaire et l'urgence est telle que les Français ne comprendraient pas que nous tournions la tête alors que la maison brûle. Mais nous attendons en contrepartie une écoute constructive de la part du gouvernement qui ne peut continuer à balayer d'un revers de main toutes nos propositions, surtout quand celles-ci deviennent sa feuille de route quelques mois après !


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A noter : dans son ouvrage Marine Le Pen arrivera au pouvoir. Sauf si… (First document, 228 pages, 12,95 €), Yves Jégo met en garde les Français contre la tentation d’un vote frontiste à l’approche des prochains scrutins.





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