Pour le président de la commission des lois : « Christiane Taubira défend ses idées avec passion et ténacité »
Décideurs. Comment s'est passé votre collaboration avec la garde des Sceaux ? Que retenez-vous de sa personnalité ?
Jean-Pierre Sueur.
Christiane Taubira défend ses idées avec autant de passion que de ténacité. Elle est exigeante pour elle-même et pour les autres. Ces qualités ont été très précieuses. Contre les oiseaux de mauvais augure – il n'en manquait pas –, la loi a été adoptée. C'est une victoire pour elle. Quelques propos excessifs – toujours les mêmes, venant toujours des mêmes – ne doivent pas occulter le fait que, pour l'essentiel, le débat a été serein et constructif, en particulier au Sénat. Il reste maintenant à mettre en œuvre cette importante réforme avec toujours ténacité et sérénité !

Décideurs. La réforme pénale va-t-elle dans le bon sens ?
J.-P. S.
Oui, je suis convaincu qu'elle va dans le bon sens. Le but de cette loi, c'est de lutter contre l'impunité. L'impunité est détestable. Elle rompt la confiance à l'égard de la Justice, mais aussi de la police et, en définitive, de toute la chaîne pénale. Il faut qu'à toute infraction corresponde une sanction qui soit appropriée, et qui soit effective. La réponse ne peut pas être seulement la prison, ou seulement une référence à la prison. Savez-vous d'ailleurs qu'il y actuellement en moyenne cent mille peines de détention ferme qui ont été prononcées par les tribunaux et qui ne sont pas exécutées ? Il est préférable qu'il y ait une variété de peines – détention, contrainte pénale, amende –, afin que chaque peine soit individualisée et exécutée. C'est le but de la loi Taubira.

Décideurs. Est-ce selon vous une grande loi ?
J.-P. S.
Oui, parce qu'elle représente un tournant dans la politique pénale qui, dorénavant, ne repose plus sur le « tout carcéral », mais sur des peines diversifiées, individualisées et adaptées. Ce qui ne signifie nullement que la prison n'a pas un rôle majeur à jouer : elle doit punir, protéger la société et préparer la réinsertion des détenus afin de lutter efficacement contre la récidive. À cet égard, la nouvelle loi est tout à fait complémentaire de la loi pénitentiaire. Les peines planchers sont logiquement supprimées : cette nouvelle loi fait donc, profondément, confiance aux magistrats.

Décideurs. En percevez-vous déjà les limites ?
J.-P. S.
La loi a été publiée le 15 août au Journal Officiel. Il est donc impossible d'en voir aujourd'hui les éventuelles limites. Ceux qui en dénoncent les limites sont ceux qui étaient, dès l'origine, opposés au projet de loi. On pourrait aussi parler de limites si les moyens ne suivaient pas. Or, il y a, à nouveau, des créations de poste depuis deux ans. Et quatre cents postes de conseillers d'insertion et de probation sont prévus en 2014 et neuf cents sur trois ans, ce qui constitue un effort sans précédent.

Décideurs. La réforme est-elle trop timide ? Aurait-on pu aller plus loin, notamment en suivant les recommandations de Jean-Pierre Michel ?
J.-P. S.
Il y a eu un accord en Commission mixte paritaire entre l'Assemblée Nationale et le Sénat. Cet accord est un bon accord, qui a été précédé de longues discussions sur le fond. Ce n'est donc pas un compromis de circonstance. Le Sénat tenait beaucoup au maintien des délais prévus par la loi pénitentiaire pour les aménagements de peine. Il tenait beaucoup à ce qu'un engagement clair fût pris au sujet de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Ces deux points ont été pris en compte. Sous l'impulsion de Jean-Pierre Michel – qui a été un remarquable rapporteur, comme d'ailleurs son homologue à l'Assemblée, Dominique Raimbourg –, le Sénat avait considéré qu'il serait judicieux que certains délits soient spécifiquement sanctionnés par la contrainte pénale. Après discussion, nous avons considéré qu'il était justifié que cela devienne une éventualité après une certaine durée de mise en œuvre de la loi. Sur nombre d'autres points, il y a eu complémentarité entre les deux versions, et je m'en réjouis.

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