Depuis 140 ans, l’Union des Fabricants (UniFab) lutte face au fléau de la contrefaçon. À sa tête, un homme qui a été confronté à ces problématiques tout au long de sa carrière : Christian Peugeot, également directeur des affaires publiques de PSA. En capitalisant sur son expérience dans l’industrie automobile, son engagement s’inscrit dans la défense d’un capitalisme pérenne et réfléchi.
Décideurs. Quels sont les principaux champs de bataille de l’UniFab ?
Christian Peugeot. La défense de l’innovation et de la propriété intellectuelle est absolument essentielle pour la formation d’une économie durable et performante. Tous ceux qui réclament un allègement des dispositifs de protection en avançant des arguments tels que la baisse des prix ou la liberté d’entreprendre ne perçoivent pas les conséquences néfastes sur le long terme que provoquerait une dérégulation irréfléchie. Forts de cette conviction, nous cherchons à fédérer une démarche commune contre les malfaiteurs. Nous souhaitons partager les meilleures pratiques pour combattre avec des armes efficaces. Il faut savoir que les acteurs de la contrefaçon ne se limitent pas à un seul domaine ; leur rayon d’action touche tous les produits, et aucun secteur n’est épargné. Si les biens de consommation sont les plus concernés, les industries de pointe ne sont pas à l’abri. De plus, aujourd’hui les défis ne cessent de se multiplier avec les achats en ligne. Les biens contrefaisants continuent d’être acheminés par conteneurs, mais ils peuvent à présent arriver chez nous par colis individuel. Le travail des douaniers n’en est en rien facilité.

Décideurs. Quelle relation entretenez-vous avec le consommateur final ?
C. P. Notre rôle est de sensibiliser cette population et de l’encourager à adopter un comportement d’acheteur responsable. Nous savons que les consommateurs cherchent à la fois les meilleurs prix, mais aussi des produits d’excellente qualité. Ils aspirent en outre à bénéficier du progrès technique et technologique. Sur la durée, la défense de la propriété intellectuelle est en leur faveur. Les biens contrefaisants à bas prix peuvent cristalliser les désirs à court terme, mais ils dissimulent des produits copiés potentiellement dangereux pour la sécurité et la santé. J’ajouterai que selon un sondage Ifop/UniFab réalisé en 2012, un acheteur de contrefaçon sur deux a été piégé et pensait acheter un bien authentique de bonne foi. La défense de ces victimes est primordiale. Derrière cet écran de fumée, ce sont bien souvent des organisations mafieuses, voire terroristes, qui augmentent leurs revenus grâce à ces activités illégales.

Décideurs. Lorsqu’on lutte contre de telles nébuleuses internationales, n’est-ce pas un désavantage d’être un acteur à vocation nationale ?
C. P. L’UniFab est le représentant des entreprises établies en France, que ce soit des groupes français ou des filiales de multinationales installées en France. Pour autant, l’association a bel et bien une vocation internationale. Les conventions de partenariats et les actions de coopération avec les associations sœurs dans les autres pays sont indispensables. En mai 2014, l’Unifab a ainsi signé une convention de partenariat avec son homologue américain, l’IACC. De même pour les courriers envoyés aux instances européennes, l’Indicam (Italie), l’Andema (Espagne), l’APM (Allemagne) et l’ACG (Royaume-Uni), apposent régulièrement leur signature à côté de celle de l’UniFab. Enfin, l’association est membre fondateur et trésorier du Global Anti-Counterfeiting Group, organe international qui permet à ses membres un partage d’expériences ainsi qu’une coordination des actions majeures.

Décideurs. En Europe, comment percevez-vous la mise en place d’un brevet unique entre tous les États membres ?
C. P. Pour obtenir ce brevet européen unique, quarante années de débats et de tractations ont été nécessaires. Il a fallu surmonter de nombreux obstacles, organisationnels et linguistiques, pour atteindre ce résultat. Toutefois aujourd’hui, ce brevet unique est la promesse d’une législation uniforme. Ce système facilite l’accès aux brevets et permet un enregistrement simplifié. Autrefois, une PME devait payer plusieurs conseillers dans tous les pays où elle souhaitait enregistrer son invention. À cette complexité administrative venait aussi s’ajouter des frais non négligeables. Avec ce nouveau système harmonisé, la cohérence d’ensemble est bien meilleure. L’Europe, grâce à cette mesure, va gagner en attractivité et en productivité. Elle permet en effet de construire concrètement l’Europe en développant un marché continental unifié. Il faut à présent que son application concrète soit à la hauteur des espérances portées. La qualité des décisions judiciaires sera scrutée attentivement et fondera le succès du brevet unique.

Propos recueillis par Thomas Bastin

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