Philippe Coen dresse un état des lieux des travaux de refonte du code de déontologie des juristes d'entreprise.
Depuis près d’une année, le comité de déontologie de l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) piloté par Philippe Coen, par ailleurs président de l'ECLA et directeur juridique de Walt Disney Company, œuvre sur la refonte du code de déontologie de l’association. La déontologie du juriste d’entreprise est au cœur des préoccupations de l’AFJE et elle est considérée comme un sujet prioritaire. Ce sera d’ailleurs le thème de l’assemblée plénière d’ouverture du Campus AFJE 2014 qui se tiendra le 17?octobre prochain à Paris.

Décideurs. Pourquoi est-il important de définir un code de déontologie pour les juristes d’entreprise ?
Philippe Coen.
Un code à jour de la connaissance actuelle de la pratique du métier nous est apparu indispensable. Nous sommes 17 000 praticiens en France. Les enjeux que traitent les directions juridiques sont immenses et en plein essor. Il nous incombait donc de mettre à jour nos règles déontologiques. Ce code s’inscrit dans la modernité avec notamment une référence à la confidentialité et au secret professionnel. Aussi, l’exigence de l’éthique et la responsabilité sociétale des entreprises sont insérées dans le code. Dès lors, lorsque nous rappelons le devoir de formation et d’humanité des chefs d’équipe, nous nous inscrivons dans le progrès social et éthique de l’entreprise et de notre profession.

Décideurs. Où en sont les travaux aux niveaux français et européens ?
P. C.
L’ECLA (European Company Lawyers Association) a adopté son code de déontologie lors de sa récente assemblée générale à Tallinn en Estonie. Quant au code européen et au code français de l’AFJE, ils ont été précédés d’une étude en droit comparé. Le travail a été dense et passionnant.
L’éthique est au centre de nos préoccupations puisque le juriste est de fait le supplément éthique de l’entreprise. D’une manière originale, c’est le code de déontologie de l’AFJE qui est venu inspirer le code européen. Les deux codes sont à présent totalement compatibles. Cette avancée est sans doute issue de l’avantage d’avoir eu enfin un président français à la tête des organisations européennes.

Décideurs. Quels sont les éléments qui seront distincts de la déontologie des avocats ?
P. C.
En entreprise, nous n’avons pas de dispositions sur les honoraires ou la robe. Pour autant, il y a tout de même plus d’éléments communs que d’éléments de différenciation entre la déontologie de l’avocat et celle des juristes. N’oublions pas que la majorité des 43 000 membres de l’ECLA – qui réunit les juristes d’entreprise d’Europe – est aussi avocat dans leur pays, au moins en titre (comme le sont certains en France).
Les éléments spécifiques à la profession de juriste sont tout de même nombreux. Les notions de responsabilité sociale dans l’entreprise, d’humanité dans le traitement des collaborateurs, de juriste business partner, d’évaluateur de risques, de pragmatisme, etc., sont autant de notions que les juristes ont en plus des avocats. La déontologie du juriste d’entreprise a donc vocation à être encore plus détaillée et riche que celle des avocats.

Décideurs. Envisagez-vous un organe disciplinaire pour sanctionner les violations à ce code ?
P. C.
Chaque association dispose de règles disciplinaires. L’AFJE en dispose depuis plus de quarante-cinq ans. Ces règles sont aujourd’hui adaptées à recevoir en confidentialité des saisines ou demandes pour avis. Le travail d’instance éthique de la profession a en fait déjà commencé depuis la consultation publique sur l’écriture même du code. Cette consultation révèle un besoin saisissant d’éclairages déontologiques de nos professionnels. En un mois, j’ai reçu une vingtaine de demandes spécifiques de la France entière.

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