« L’objectif de la féminisation est que les conseils d’administration deviennent les miroirs de la société »
Décideurs. Quel regard portez-vous sur la logique de quotas visant à imposer la parité dans les conseils d’administration ?

Christiane Robichon.
Bien entendu, nous sommes en faveur de la parité au sein des conseils d’administration. À notre avis, les quotas imposés étaient un passage obligé pour accélérer la féminisation des conseils d’administration. À partir du moment où la loi Copé-Zimmerman, dont l’objectif est d’avoir 40 % de femmes au sein des CA d’ici 2017, est entrée en vigueur, des progrès significatifs ont été observés. Les rapports sur la situation actuelle dans les entreprises du CAC 40 mentionnent qu’un ratio de 26 % a été atteint ; nous sommes sur la bonne voie.


Décideurs. Pensez-vous que l’objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées pourrait être atteint en 2017 ? Sous quelles conditions ?

C. R.
Les entreprises françaises ont été réactives à la loi et on peut penser que l’objectif sera atteint pour 2017. Bien entendu, certaines sont très en avance tandis que d’autres accusent un net retard. Il ne semble toutefois pas y avoir de sociétés qui présentent de problèmes majeurs, mettant en péril l’atteinte des objectifs. Pour favoriser cette réussite, de nombreuses écoles, institutions et organisations doivent s’impliquer. Des structures telles que l’IFA (Institut français des administrateurs) offrent aujourd’hui des formations destinées aux femmes afin de les inciter à se faire valoir et à trouver leur place. Il est important de mentionner que la féminisation ne signifie pas le remplacement des hommes administrateurs au profit des femmes. Elle peut facilement se traduire par l’agrandissement des conseils d’administration. C’est la mixité qui est recherchée.


Décideurs. Vous dites que les femmes doivent trouver leur place. Croyez-vous que l’absence de mixité au sein des CA soit le résultat d’un manque de motivation des femmes ou bien du fait des entreprises qui ne leur ouvrent pas leurs portes ?

C. R.
La faute m’apparaît partagée. Jusqu’à récemment, les conseils d’administration étaient composés essentiellement d’hommes et les nominations étaient effectuées par cooptation. Cela représentait un frein pour les femmes, car n’étant pas dans le sérail des administrateurs, il leur était impossible d’obtenir le poste. Seules quelques-unes appartenant déjà au sérail ont eu la possibilité d’être cooptées. Avec la loi, les entreprises n’ont pas eu d’autres choix que d’élargir leur champ de sélection des administrateurs et d’aller chercher ailleurs. Cela dit, les femmes ont un bout de chemin à faire. Elles doivent aller de l’avant et montrer leurs compétences. La retenue dont font montre certaines femmes n’est pas justifiée. Cet aspect fait justement partie du travail effectué par les associations et les organisations qui ont à cœur de placer les femmes dans les conseils d’administration.


Décideurs. Pourrait-on imaginer une loi concernant également les autres instances de direction des entreprises ?

C. R.
Aujourd’hui, la présence des femmes dans la gouvernance des entreprises est un enjeu de taille. Les entreprises qui présentent une mixité intéressante dans leur conseil d’administration n’ont pas nécessairement un comité de direction mixte. La féminisation des instances de direction doit donc continuer. Cela dit, une loi m’apparaît compliquée, difficilement applicable. Il serait toutefois possible d’imaginer la mise en place d’une obligation de transparence pour les entreprises. Un rapport, rendu public, sur la mixité des comités de direction pourrait être imposé. Une autre incitation pourrait être la prise en compte de cet élément dans les appels d’offres… Ce ne sont que des idées mais les entreprises ont besoin de motivation, voire de contraintes pour agir. Le palmarès imaginé par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, qui distingue les entreprises du SBF 120 selon la place qu’elles donnent aux femmes dans leurs instances dirigeantes va dans ce sens. Bien qu’il ne soit porteur d’aucune sanction, ce palmarès touche les entreprises là où le bât blesse : leur réputation.


Décideurs. Quelles sont, selon vous, les caractéristiques du leadership au féminin ?

C. R.
Je ne suis pas convaincue qu’il soit question de leadership au féminin. Il s’agit plutôt de représentativité. Aujourd’hui, le poids des femmes dans la société en général est très important. Or, cet équilibre est absent dans nos entreprises. L’objectif de la féminisation est que les conseils d’administration deviennent les miroirs de la société, avec la vision des hommes et des femmes pour avancer. Certains aspects de la gestion, par exemple le management du risque, diffèrent entre un homme et une femme. Chacun a quelque chose à apporter, d’où l’importance de cet équilibre.


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