« Il ne suffit pas d’élire une femme maire de Paris pour garantir un projet progressiste »
Décideurs. Sans primaire, sans concurrence, soutenue par deux personnalités du Front de gauche et encouragée par les premiers sondages, une « autoroute » s'offre finalement à vous... Qu'est-ce qui pourrait contrarier l'arrivée d'une femme de gauche à la mairie de Paris ?

Anne Hidalgo.
J’ai décidé de rentrer tôt en campagne, en septembre dernier, pour aller à la rencontre des Parisiens et leur laisser le temps de participer à l’élaboration du programme. Ce temps long a permis de créer les conditions d’un large rassemblement autour de ma candidature.
Nous n’aurons pas de primaire car nous sommes déjà rassemblés, cela s’est fait en discutant et en nous retrouvant sur de nombreuses idées, notamment celle de placer le Grand Paris comme le nouvel horizon de la capitale. Sa réussite sera indispensable à l’avenir de la cité. Aujourd’hui, nous sommes réunis et en ordre de bataille.
Pour le reste, comme dans toute élection démocratique, il n’y a pas d’autoroute ; une campagne est une course de fond, qui va demander de l’endurance, de la constance et de la détermination. Je n’en manque pas.


Décideurs. Bertrand Delanoë passe-t-il la main à sa première adjointe ou ne se représente-t-il pas ? Quel est son héritage et qu'est-ce qui vous distingue ?

A. H.
J’ai travaillé pendant plus d’une décennie avec Bertrand Delanoë et je l’admire infiniment. Il a fait pour Paris de grandes choses auxquelles j’ai participé en tant que première adjointe. L’héritage qu’il me transmet est un ensemble de valeurs, et d’abord de valeurs éthiques.
Depuis 2001, il a rendu son honneur à Paris en tournant la page des affaires politico-financières. Cet héritage je le revendique, ainsi qu’une certaine manière de faire de la politique, sur le terrain, à l’écoute des gens. À part cela, il n’y a heureusement pas de succession dans notre système démocratique. Je dois me présenter devant les électeurs, mener la campagne, avec un programme qui sera le mien.
Si grande soient la popularité de Bertrand Delanoë et l’estime qu’il a la gentillesse de me porter, les Parisiens sont des gens bien trop libres pour m’élire sur sa simple recommandation ! Par ailleurs, je suis ravie de cette rencontre avec les Parisiens, j’y prends beaucoup de plaisir. Une campagne, c’est aussi avoir la chance de rencontrer des milliers de personnes, d’échanger avec elles et de construire ensemble un projet pour l’avenir de notre ville.


Décideurs. Vous militez dans la vie, et dans votre ouvrage pour que cesse la domination politique masculine. Qu'a – déjà – apporté et qu'apportera une femme à la tête de Paris ?

A. H.
D’une manière assez évidente, le modèle politique du « mâle dominant », la brutalité érigée en système de décision, est périmé. Il a largement participé à créer le rejet du personnel et des manières politiques dont nous constatons aujourd’hui toute l’ampleur. Il faut changer en profondeur les codes qui entourent le pouvoir, qui ont été élaborés par des hommes et pour des hommes. Bertrand Delanoë a été précurseur sur cette question, en appliquant la parité avant que la loi ne l’impose dans les exécutifs. Déjà, les conditions de prise de décision ne sont plus les mêmes à Paris.
Je poursuivrai ce travail en aidant les femmes à articuler leur vie professionnelle et personnelle, que ce soit pour celles qui travaillent autour de moi ou pour toutes les Parisiennes. D’ailleurs, il ne suffit pas d’élire une femme maire de Paris pour garantir un projet progressiste. Il faut que cette femme ait réellement la volonté de changer les choses, qu’elle porte une vision et impose son autorité. L’UMP va sans doute présenter une femme à Paris, mais celle-ci n’incarne pas un renouveau de la droite parisienne. Au contraire, elle va représenter un système qui a écarté les femmes du pouvoir pendant des décennies, et qui continuera à le faire.


Décideurs. La pression foncière étant telle à Paris que les « petites » classes moyennes sont contraintes à l'exil en périphérie, est-il encore possible d'éviter de faire de la capitale une vitrine commerciale ou une ville muséale ?

A. H.
Permettre aux classes moyennes d’habiter à Paris est ma priorité. Paris a besoin d’être diverse et que toutes les catégories de population puissent y vivre. Il est faux d’affirmer, comme la droite le fait, que Paris se viderait de ses habitants. Au contraire, les politiques que nous avons menées, que ce soit en matière de logement ou d’amélioration de la prise en charge de la petite enfance (10 000 places en crèches créées en dix ans), ont permis à Paris de gagner 170 000 habitants et 13 000 familles en dix ans. Pendant cette période, nous avons construit 70 000 logements sociaux, qui sont passés de 13 % à près de 20 % des logements parisiens. Peu de villes en France ont mené une politique aussi dynamique. Au total, nous avons consacré 5,2 milliards d’euros à la politique du logement. D’ailleurs, les « petites » classes moyennes dont vous parlez sont majoritairement éligibles au logement social, car 70 % des Parisiens ont des revenus inférieurs au plafond de revenu pour y accéder.
Il reste que trop de jeunes actifs, de familles, de personnes âgées ont des difficultés à se loger à cause de la pression sur les prix dans le parc privé. Je ferai donc du logement ma grande priorité. Dans ce domaine il faut être imaginatif et surtout ne pas être fermé aux partenariats. Je travaille d’ores et déjà avec les acteurs du bâtiment et nous allons passer des contrats avec les promoteurs privés. L’objectif est de proposer 10 000 nouveaux logements par an. Mais au-delà, le foncier disponible se fait rare à Paris, il n’y a pas d’autre solution sérieuse que d’enjamber le périphérique et de mutualiser les politiques de logement dans le Grand Paris.


Décideurs. Quelles sont les trois principales mesures de votre campagne ?

A. H.
Comme vous êtes pressé ! Un an avant l’élection, notre programme, fort heureusement, est encore en cours d’élaboration. Il est le fruit d’un intense processus de concertation qui a commencé en octobre dernier. J’ai créé l’association Oser Paris pour organiser toute cette réflexion, tant sur le Web que lors de nombreuses réunions. C’est un véritable laboratoire d’idées participatif, composé de dix-neuf groupes travaillant sur les divers thèmes de la vie de la ville. Il a pour objet de permettre à chaque Parisien de faire remonter ses idées et ses observations de terrain sur le fonctionnement de la ville. Nous arrivons à la fin d’une première phase de la réflexion, et nous en faisons en ce moment la synthèse. Je vais donc disposer d’un ensemble de propositions, qui sera le fruit de l’expérience de milliers de militants et de Parisiens issus de la société civile. Les candidats aux mairies d’arrondissement ont eux aussi leurs idées pour la ville, et il faudra les prendre en compte. J’adopterai les meilleures des propositions qui émergeront du débat, en restant fidèle à mes convictions fondamentales : faire de Paris une ville monde, à la pointe en matière économique et bienveillante pour ses habitants.


Décideurs. Élue maire de Paris, quelle serait votre première mesure d’urgence ?

A. H.
J'accélérerais la transition énergétique à Paris en partenariat avec toutes les parties concernées, dans le transport, la logistique, le bâtiment, et le tourisme.

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