Obama, Sarkozy : grandeur et décadence.
Parce qu’ils incarnent le changement, Nicolas Sarkozy et Barack Obama ont souvent été comparés. Leur relation, d’abord cordiale, se complexifie avec le temps.
Depuis l’élection de Barack Obama en janvier 2009, les présidents français et américain, inspirés par l’internationalisme, se sont rapprochés. La réalisation d’objectifs communs révèle cependant des tensions. Les politologues parlent de « différence de style politique ». L’emballement de la presse internationale, autour de ce qui est perçu comme le « heurt des mégalomanes », a été relayé par le buzz de plusieurs incidents diplomatiques.
Les chantres du changement.
Ils sont pragmatiques, suspicieux envers les idéologies. Ils font partie de la même génération et ont voulu incarner la nouveauté. Nicolas Sarkozy et Barack Obama regardent, apparemment, dans la même direction.
Les présidents français et américain se sont tous deux fait élire sur le thème du changement. Un changement draconien côté français avec la campagne de « la rupture », un changement ambitieux côté américain avec l’exaltant « Yes we can » !
Ils se sont vus reprocher au même moment, après huit mois d’exercice, d’avoir ouvert trop de dossiers et d’être loin de les fermer. Nicolas Sarkozy s’insurgeait en janvier 2008 : « on ne peut pas espérer obtenir des résultats à moins de tout changer en même temps. Tarder, c’est offrir à l’opposition l’opportunité de bloquer tous les projets ».
Barack Obama, moins pressé dans l’application de ses réformes, se voit reprocher depuis septembre 2009, le lancement simultané de chantiers trop longs et couteux - l’énergie et la santé notamment.
Le véritable combat commun des chantres du changement concerne la réforme du système financier mondial. En 2009, les deux présidents se sont exprimés, plus régulièrement que leurs homologues, sur la question du nouvel ordre économique mondial.
De son côté, Nicolas Sarkozy a œuvré pour rompre avec l’antiaméricanisme français séculaire. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN en mars 2009, peu populaire dans l’hexagone, a matérialisé le rapprochement des deux puissances. L’Ambassadeur de France aux États-Unis, Pierre Vimont, se réjouissait en novembre 2009 de cette nouvelle entente.
Le directeur du bureau parisien du journal américain Newsweek, Christopher Dickey, constatait en septembre 2009 que, « grâce à l’activisme de Nicolas Sarkozy, Paris et Washington entretiennent la relation transatlantique la plus dynamique qui soit ». Affirmation surprenante, étant donné le lien historique qui rapproche les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Mais le dialogue entre Nicolas Sarkozy et Barack Obama, qui avait commencé sous la forme d’une franche complicité juste avant l’élection d’Obama dans le cadre de la négociation avec la Russie en Géorgie, se complexifie avec le temps.
La course à la légitimité.
Le président français a manifesté, à plusieurs reprises, son agacement face au manque d’implication d’Obama dans le jeu bilatéral.
Selon les experts de politique internationale, le point de bascule dans les rapports Obama-Sarkozy serait à dater d’octobre 2009. Barack Obama aurait fortement vexé Nicolas Sarkozy lors de la célébration du succès du démantèlement du nucléaire iranien, en manifestant par la gestuelle toute sa reconnaissance à Gordon Brown. En tant que président de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy avait personnellement accéléré la sanction internationale de la politique nucléaire iranienne.
La vexation, de Nicolas Sarkozy à ce moment-là reste une allégation. Les premiers signes officiels d’agacement de Nicolas Sarkozy interviennent lors du choix de la première invitation officielle du président des États-Unis en mars 2009, choix porté sur Gordon Brown. Nicolas Sarkozy s’offusque alors publiquement : « Gordon Brown n’a aucun mandat pour s’exprimer au nom des Européens » !
Dès lors, les médias s’emballent. Sarkozy, devient the jealous guy - l’homme jaloux - dans la presse américaine et anglaise (The New-York Times, The Guardian). L’Express titre quatre fois sur le couple Obama-Sarkozy en cinq mois. Philippe Coste s’amuse de ce « drôle de couple ».
Le traitement par les médias du ressentiment de Nicolas Sarkozy à l’égard de son homologue américain est même rétroactif : Nicolas Sarkozy attendrait toujours les remerciements du président des États-Unis pour son action en faveur de l’ouverture à la Syrie (août 2008) et sa gestion du dossier des pirates de Somalie (septembre 2008)…
Les rapports entre Nicolas Sarkozy et Barack Obama se sont indéniablement détériorés. En avril 2009, Nicolas Sarkozy s’inquiétait lors d’un déjeuner officiel du manque d’expérience, et donc de légitimité, d’un président qui n’a « dirigé aucun ministère », ainsi que de sa « difficulté à prendre des décisions », environnementales notamment. Peu de temps après, Obama passait le mot doux à Jean-Louis Borloo : « dites à Nicolas Sarkozy que je vais faire mes devoirs et être efficace sur le climat ».
Une relation diplomatique en porte-à-faux.
Plusieurs incidents diplomatiques viennent conforter la thèse du désamour du couple Obama-Sarkozy.
Lorsque Nicolas Sarkozy oublie (volontairement ?) d’inviter la reine d’Angleterre à la cérémonie de commémoration du débarquement en juin 2009, Barack Obama fait immédiatement savoir à la reine qu’il sollicite sa présence.
Pour ce même évènement, Barack Obama séjourne une nuit à l’ambassade des États-Unis à quelques centaines de mètres de l’Élysée. Il ne rend pas visite à son homologue. Nicolas Sarkozy justifiera l’absence de photos avec le président des Etats-Unis sur le perron de l’Élysée de manière pour le moins envolée : « nous avons autre chose à faire que de poser sur du papier glacé ! »
Interrogé à Prague en avril 2009 sur la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, Barack Obama dit y être favorable. « Sarkozy l’Américain » rétorque qu’il s’agit d’un problème qui ne concerne que les Européens.
Pendant le G20 de Londres, Barack Obama semble ignorer Nicolas Sarkozy devant les caméras du monde. Aucune poignée de main n’est filmée. Cette attitude provoque un véritable buzz sur Internet.
Sollicité fin 2009 par les États-Unis sur la question du renforcement des troupes françaises en Afghanistan, l’Élysée fait connaître sa réponse rapidement. Elle est claire et facilement traduisible : non.