Par Agnès Bricard, présidente. Conseil de l’Ordre des experts-comptables
Les 19 000 experts-comptables, partenaires privilégiés des entreprises, les accompagnent à tous les stades de leur vie de leur création à leur transmission. Ils sont les conseils du chef d’entreprise, leur premier, et même souvent, leur seul interlocuteur. Leurs différentes compétences leur permettent de proposer au chef d’entreprise toute une palette de prestations au-delà de leur rôle premier et pivot d’établir des comptes.

À la question : « Combien vaut mon entreprise ? » que tout chef d’entreprise se pose au moment où il envisage sa succession, l’expert-comptable, qui est son partenaire privilégié, est le mieux placé pour répondre. En effet, il connaît la situation financière de l’entreprise, puisqu’il en établit les comptes, mais au-delà des chiffres produits, il en connaît aussi le fonctionnement, ses forces et faiblesses, ses perspectives… autant d’éléments qui auront une influence sur la détermination de la valeur de l’entreprise. Cette connaissance lui permet également de prendre en compte les retraitements préalables nécessaires à toute évaluation. Enfin, de par sa formation financière, il a toutes les compétences requises pour mener à bien une telle mission, sachant que par ailleurs, lorsqu’il établit les comptes d’une entreprise, il est amené à procéder à des estimations qui utilisent également même partiellement les techniques de l’évaluation. La question de l’évaluation globale d’une entreprise se pose dans des situations bien définies telles que :
- acquisitions ou cessions d’entreprise ;
- cessions d’actions ou de parts, transmissions échelonnées ;
- opérations d’épargne salariale ;
- restructurations à l’intérieur d’un groupe pouvant se traduire par des apports partiels d’actif, des scissions ou des fusions ;
- opérations patrimoniales ;
- évaluations fiscales ;
- évaluations dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, dans le cadre d’un litige entre associés ;
- évaluations d’actifs apportés en garantie lors de la souscription d’un emprunt…

Mais des évaluations plus régulières devraient être réalisées afin de donner au chef d’entreprise des repères sur ce que vaut réellement son affaire. En effet, une évaluation permet de mettre en évidence les bases sur lesquelles repose la valeur d’une entreprise et en quoi cette évaluation peut être fragile ou soumise à des aléas. Il s’agit en quelque sorte d’un « diagnostic » qui peut orienter le chef d’entreprise dans sa stratégie et ses décisions de gestion afin de maintenir cette valeur ou mieux de l’augmenter. L’expert-comptable qui proposerait à son client de compléter sa mission de présentation des comptes, par exemple tous les trois ou cinq ans, d’une mission d’évaluation jouerait ainsi pleinement son rôle de conseil. Ainsi des mesures correctives ou des décisions de gestion pourraient être préconisées en vue d’optimiser la valeur de l’entreprise. Cette mission d’évaluation, comme toutes les missions réalisées par un expert-comptable, s’inscrit dans un cadre normatif qui assure aux tiers une certaine qualité attachée à la « marque expert-comptable ». Ainsi, faire appel à un expert-comptable pour réaliser une évaluation est avoir l’assurance que la mission sera réalisée :
- dans le respect d’un code de déontologie exigeant et connu de tous, puisque repris dans le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 ;
- dans le cadre d’un référentiel professionnel caractérisé notamment par la norme professionnelle de maîtrise de la qualité agréée par arrêté ministériel du 20 juin 2011.
Ce référentiel prévoit notamment que l’expert-comptable adresse à son client une lettre de mission qui permet de préciser les contours de la mission, son calendrier de réalisation, les compétences à mettre en œuvre et son coût. La mission s’effectue donc en toute transparence. Il prévoit également l’établissement d’un rapport et une communication régulière entre l’expert-comptable et son client ce qui permet à ce dernier d’avoir toutes les informations nécessaires sur le déroulement de la mission et les difficultés éventuelles rencontrées.
Toute mission d’évaluation commence par une prise de connaissance préalable de l’entreprise et du contexte de l’évaluation qui vont conditionner le choix des méthodes à retenir pour procéder à cette évaluation. En effet plusieurs types de méthodes existent mais il convient de déterminer celles qui sont effectivement adéquates dans le contexte considéré et compte tenu des données financières disponibles ou qui peuvent être obtenues. Il est conseillé, d’une façon générale, de ne pas s’en tenir à une seule méthode, même si souvent une méthode a un rôle prédominant dans la détermination de la valeur finale qui sera retenue et de comparer les résultats de plusieurs approches (méthode multicritères).
Trois catégories de méthodes d’évaluation sont distinguées :
• les méthodes intrinsèques, qui reposent sur des données issues de l’entreprise :
- la méthode patrimoniale qui a pour but d’évaluer, à la valeur actuelle, les éléments d’actif et de passif de l’entreprise et de déterminer un actif net corrigé réévalué,
- l’actualisation des flux futurs de trésorerie nets (méthode des « discounted cash flows-DCF),
- la capitalisation d’un flux normatif, qui peut être assimilée à la simplification de l’actualisation des flux futurs de trésorerie nets,
- l’actualisation des dividendes ;
• les méthodes analogiques ou méthodes des comparables, qui consistent à déterminer la valeur de l’entreprise que l’on cherche à évaluer par référence à la valeur connue d’autres entreprises comparables. Il peut s’agir de sociétés ayant fait l’objet de transactions ou encore de sociétés cotées sur un marché ;
• les autres méthodes qui s’appliquent dans des contextes particuliers ; à titre d’exemple, l’utilisation de barèmes professionnels ou la capacité de remboursement de la société évaluée. Ce dernier critère est utilisé en particulier dans des opérations de LBO.
L’expert-comptable évaluateur, dans sa démarche, cherche à déterminer une valeur, par référence à des éléments, qui soit aussi objective que possible et reconnue aussi bien par le commanditaire de l’évaluation que par les tiers qui s’y référeront ou l’apprécieront. Il confronte les différentes valeurs qu’il estime « acceptables », analyse les raisons des écarts constatés et propose une fourchette raisonnable de valeurs. Une valeur n’est jamais une donnée absolue et peut se trouver affectée notamment par les éléments suivants :
- la date de l’évaluation, la valeur ne restant pas figée dans le temps ;
- le destinataire de l’évaluation, à savoir le vendeur ou l’acquéreur.
La valeur se détermine à l’issue d’un processus structuré, elle permet d’étayer la négociation qui aboutira au prix auquel se réalisera effectivement une transaction. En effet dans le prix interviennent également les circonstances et les acteurs prévalant à la transaction. Ainsi entrent en ligne de compte des éléments
tels que :
- la rareté de l’affaire ;
- l’urgence de la transaction ;
- la pluralité ou non de personnes intéressées ;
- le montant minimum que souhaite retirer le vendeur faute de quoi il préférera conserver son bien ;
- le financement que peut obtenir l’acquéreur pour réaliser son opération et le temps qu’il lui faut pour rembourser l’organisme de crédit compte tenu de la capacité bénéficiaire escomptée de la cible ;
- le mode de paiement (numéraire, titres…) et le calendrier de règlement du prix.

Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables ayant, dans ses différentes préoccupations à l’égard de la profession qu’il représente, le rôle de lui fournir des outils pour réaliser au mieux ses missions, a souhaité, à l’occasion de son prochain congrès annuel, publier un guide de l’évaluation. Il a également procédé à une mise à jour de son site internet consacré à l’évaluation d’entreprise.

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