Nicolas de GermayPrésident de l’Association pour le retournement des entreprises (Are), et président d’Alandia

Nicolas de Germay
Président de l’Association pour le retournement des entreprises (Are), et président d’Alandia

Décideurs. Dans un contexte de crise économique durable, quels leviers opérationnels reste-t-il pour augmenter la performance des entreprises sans amoindrir leur qualité ?

Nicolas de Germay. La crise de 2008 est aussi grave que celle de 1992. Lors des autres crises, il s’agissait de simples coups d’arrêt et une seule stratégie prévalait : celle de réduire les coûts et d’attendre que la croissance reparte.

Or, aujourd’hui, la situation est différente. Les prévisions de croissance sont faibles, de l’ordre de 1?% sur les dix prochaines années selon l’OCDE. Il va donc falloir adopter une nouvelle stratégie. Au cours des dernières années, nous avons assisté à une majorité de restructurations financières et oublié de travailler les fondamentaux des entreprises, la partie opérationnelle.
Aujourd’hui, nous attendons donc surtout de la restructuration opérationnelle. Pour trouver des leviers opérationnels, il faut d’abord arrêter d’associer la restructuration à un sentiment de honte. Il faut ouvrir le secteur à de nouveaux acteurs, qui permettront de fluidifier le marché, encore trop restreint.
En ce qui concerne les sociétés sous LBO en difficulté, le problème est différent. Certains acteurs du private equity ont pu, jusqu’à présent, assurer une renégociation financière des covenants. Si la situation économique demeure tendue, il est probable qu’un certain nombre de ces dossiers reviennent sur le devant de la scène mais nécessitent une refonte de leurs business model. Or, la restructuration industrielle nécessite plus de temps, et elle est moins rentable. Cela ne correspond pas à leur modèle, ce n’est pas leur métier. C’est la raison pour laquelle il est indispensable aujourd’hui d’encourager de nouveaux acteurs capables d’apporter du financement dans une approche résolument industrielle.


Décideurs. La réforme de la loi de sauvegarde de 2008 mettait l’accent sur la prévention. Quel bilan faites-vous un an et demi après son entrée en vigueur ?

N. de G.
La loi de sauvegarde connaît un certain succès, son usage s’est généralisé. Bien que son utilité soit reconnue, les réformes incessantes empêchent une possible remise à plat du droit des procédures collectives. Il s’agit là d’un frein à la compétitivité du pays.
Aux États-Unis, une entreprise n’a pas de difficulté pour trouver du financement après une première faillite. En France, ce n’est pas encore le cas. Sauver une entreprise, c’est être du côté de l’entreprise, et non du côté des dirigeants ou des créanciers. Le chef d’entreprise devrait pouvoir être débarqué après une mauvaise gestion. En France, pour le moment, il est plutôt surprotégé ce qui nuit à la nécessaire réactivité et au traitement des difficultés.
La prévention est un problème d’éducation. Nous pouvons l’encourager par divers moyens : combattre l’image négative prêtée à ceux qui sauvent les entreprises, simplifier les procédures et organiser une refonte du système. Le monde judiciaire a du mal à suivre toutes les réformes. Nous pouvons également continuer la pédagogie sur la prévention, ou faire la publicité des investisseurs en retournement dont le rôle est méconnu, surtout en province.


Décideurs. Comment voyez-vous l’avenir du secteur de la restructuration d’ici à fin 2011 ? Quelles tendances se profilent ?

N. de G.
Il y a de nombreuses entreprises en difficulté en 2010, et beaucoup vont arriver sur le marché de la restructuration au cours des dix-huit prochains mois. La situation économique est très grave et les stigmates seront beaucoup plus importants que ceux que nous avons connus durant la crise des années 1990.
C’est très facile de se dire spécialiste de la restructuration. Il y a en ce moment un certain effet de mode. Or, c’est un métier de connaissance des personnes, un métier d’experts, un travail d’équipe où l’on ne peut pas jouer tout seul. La restructuration est une chirurgie de guerre : il faut agir très vite, l’équipe doit se connaître. Ceux qui s’improvisent sont des apprentis sorciers. Les bons professionnels auront beaucoup d’activités au cours des prochains mois. Le marché se professionnalise, il va se développer : c’est une micro-niche qui va grossir.
Surtout, soyons prudents, l’effet retard de la crise ne va pas tarder à se faire sentir. En conclusion, je peux dire qu’on attend un regain d’activité pour le secteur de la restructuration entre 2011 et 2012.

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