La présidente de la CFE-CGC voudrait un baromètre de la qualité de vie au travail.
Décideurs. Vous avez signé, en juin dernier, l’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail. Pour quelles raisons avez-vous accepté de ratifier ce texte ?

Carole Couvert.
Depuis des années, nous plaidons pour un système plus préventif que curatif car c’est un investissement qui deviendra rentable dans les années à venir. Le lancement de la grande conférence sociale a été pour nous l’opportunité de remettre le sujet sur la table. Elle a démontré que tous les acteurs avaient envie de sortir de cette zone de flou. Cet accord permet de parler de sujets transverses, comme l’organisation du travail, la gouvernance d’entreprise, l’égalité professionnelle, la formation… Encore faut-il que les parties s’en emparent. C’est une occasion unique de montrer que le dialogue social peut être moteur de compétitivité. C’est aussi l’occasion de remettre à plat le mode de fonctionnement de l’entreprise et la manière dont le chef d’entreprise partage sa vision. Cela permet de redonner du sens.


Décideurs. D’année en année, les indicateurs de votre baromètre sur le stress se dégradent, notamment chez les salariés de l’encadrement. Quelles conclusions en tirez-vous ?

C. C.
À la création du baromètre en 2004, nous étions la seule confédération à parler de stress au travail. Nous avons aujourd’hui identifié trois facteurs de stress : ne pas connaître la stratégie de l’entreprise ; ne pas savoir à quoi sert son travail ; et ne pas être reconnu à sa juste valeur, non pas pour une question de salaire mais pour le niveau du poste occupé ou le niveau d’autonomie. Dans nos derniers baromètres, nous avons constaté deux phénomènes très inquiétants : la perception de la charge de travail s’alourdit et les idées suicidaires en rapport avec le travail progressent. Nous avons aussi noté que le stress chez les salariés de l’encadrement augmente, à la fois en raison des nouvelles technologies et du forfait-jour. Toutes les personnes en situation de responsabilité sont aujourd’hui confrontées à une porosité du temps. Ces résultats nous amènent à réfléchir, au sein de notre confédération, à différents modes de gouvernance, par exemple en proposant qu’un salarié reste joignable sept jours sur sept, mais avec des plages horaires bloquées de 22 heures à 7 heures. Nous sommes en train d’étudier les effets de ce type de préconisation. Nous allons d'ailleurs faire évoluer notre baromètre stress pour qu'il devienne le baromètre de la qualité de vie et du bien-être au travail, afin d'amorcer une spirale positive.


Décideurs. La CFE-CGC expérimente, depuis peu, des modules de formation pour détecter les risques psychosociaux. En quoi consistent-ils ?

C. C.
En avril dernier, nous nous sommes livrés à un exercice jamais réalisé à la CFE-CGC : la rédaction de notre premier plan stratégique, avec la volonté d’être exemplaire par rapport à ce que nous demandions aux entreprises. Dans la rédaction de ce plan stratégique, Martine Keryer, notre secrétaire nationale en charge des sujets concernant la qualité de vie au travail, a choisi de former nos militants à la détection des risques psychosociaux. Nous estimons que l’exemplarité doit venir d’en haut, ces modules de formation vont donc d’abord être expérimentés par l’exécutif confédéral dans son ensemble et le personnel présent dans nos unions territoriales. Cela représente au total une centaine de personnes. Nous allons dresser le bilan de ces modules en juillet prochain et ensuite, nous verrons si nous les généralisons.


Décideurs. La valorisation des compétences humaines passe, selon vous, par un changement du mode de gouvernance. Où en êtes-vous de cette réflexion ?

C. C.
Cela faisait partie de mon programme présenté à Saint-Malo, qui développait trois axes : réconcilier les salariés et l’entreprise, que les syndicats accompagnent la création des entreprises et remettre l’homme au cœur de l’entreprise. On valorise bien les actifs, pourquoi ne pas valoriser les compétences humaines ? Il faut selon moi amorcer un changement de gouvernance en mettant les directeurs des ressources humaines au même niveau que les directeurs administratifs et financiers. L’accord interprofessionnel signé en juin dernier est à la croisée de ces trois chemins, mais il faut maintenant passer de la théorie à la pratique.


Décideurs. Évoquer le bien-être au travail doit être, selon vous, une priorité en temps de crise pour redonner du sens. Est-ce aussi un levier de croissance pour l’entreprise ?

C. C.
Essayer de nier que la qualité de vie au travail est un outil de performance pour l’entreprise, c’est nier la raison d’être de l’entreprise. En parvenant à mettre en place des indicateurs de performance, nous pouvons convaincre les chefs d’entreprise d’investir dans les conditions de travail de leurs salariés. Nous travaillons avec des DRH et des ergonomes sur cette réflexion que nous voulons impulser. En temps de crise, les chefs d’entreprise ne considèrent pas prioritaire d’investir pour la qualité de vie au travail mais il faut oser s’aventurer sur ces terrains-là car cela permet de clarifier les process et remettre la compétitivité à tous les étages. Il ne s’agit pas de mettre l’intérêt des salariés au-dessus de celui de l’entreprise et vice versa. Nous sommes pour une méthode gagnante pour les deux parties, pour une démarche durable.

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